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Sanctions internationales, par Gaëlle Filhol et Alexandre Reynaud

L’arbitre face aux sanctions internationales

Le recours aux sanctions internationales – comme celles adoptées en 2021 par les Etats-Unis contre des entreprises chinoises spécialisées dans la défense et les technologies de surveillance1 – ne cesse de croître et, dès lors, d’occuper l’actualité de l’arbitrage international.

La cour d’appel de Paris a récemment eu à traiter de l’impact des sanctions économiques internationales américaines, onusiennes et européennes contre l’Iran sur la validité d’une sentence arbitrale. Son arrêt du 3 juin 2020 offre une grille de lecture des juridictions françaises face aux sanctions internationales2.

Cette actualité interroge le comportement que doit adopter un arbitre confronté aux sanctions internationales. Premièrement, dans quelle mesure un arbitre doit-il excuser l’inexécution d’un contrat lorsque la partie défaillante invoque une sanction internationale ? Deuxièmement, l’arbitre étant lui-même un fournisseur de services, quel comportement doit-il adopter lorsqu’il est sollicité par des sociétés sanctionnées par de telles interdictions ?

L’arbitre confronté à une inexécution contractuelle pour laquelle la partie défaillante invoque une sanction internationale

Les effets des sanctions internationales menacent le respect des obligations contractuelles des parties lorsque l’une d’elles est visée par une mesure d’interdiction. Il revient à chaque droit national de déterminer si la mesure en question relève de l’ordre public international. S’agissant du droit français de l’arbitrage, la cour d’appel de Paris a opté pour une approche organique des sanctions internationales.

Les sanctions du Conseil de Sécurité de l’ONU peuvent être assimilées à des lois de police étrangères relevant de la conception française de l’ordre public international dont un tribunal ne peut faire abstraction. Ensuite, s’agissant des sanctions émanant de l’Union Européenne, elles doivent être considérées comme des lois de police françaises dont l’ordre juridique français ne doit pouvoir souffrir de la méconnaissance. Au contraire, les sanctions émanant des autorités américaines sont des lois de police étrangères qui ne peuvent être rattachées en tant que telles à des règles et valeurs dont la France ne peut souffrir la méconnaissance.

La non-application de sanctions internationales ouvre donc une voie de recours contre une sentence arbitrale, mais sous conditions. La cour d’appel de Paris a jugé que la simple non-application par l’arbitre de telles mesures n’est pas suffisante pour emporter l’annulation, dans la mesure où la violation de l’ordre public international doit être effective et concrète, et s’apprécier en fonction du champ d’application matériel et temporel des sanctions invoquées.

L’arbitre en tant que fournisseur de services

Dans quelle mesure un centre d’arbitrage peut-il proposer ses services lorsqu’il reçoit une demande d’arbitrage de la part d’une entité visée par une sanction ?

Toutes les institutions arbitrales basées dans les États de l’UE, comme la CCI, sont soumises au droit européen. Elles sont tenues de respecter les réglementations de l’UE en matière de sanctions, qui complètent souvent les sanctions américaines (et celles de l’ONU) ou sont destinées à fonctionner en tandem avec elles. Par ailleurs, les institutions arbitrales maintiennent une stricte neutralité vis-à-vis de toutes les parties, quelle que soit leur nationalité.

Si l’institution arbitrale, les arbitres ou les représentants légaux des parties sont domiciliés dans une juridiction qui a imposé des sanctions à une partie au litige, ils peuvent être tenus d’obtenir une autorisation (souvent appelée « licence ») d’un organisme de réglementation compétent dans la juridiction concernée, leur permettant de jouer leur rôle dans la procédure arbitrale. Ainsi, afin de contourner les obstacles nés des effets de sanctions internationales, les centres d’arbitrage tout comme les arbitres doivent traiter a priori la difficulté en obtenant une autorisation préalable d’entrer en relation commerciale avec l’entité faisant l’objet de sanctions. Certaines institutions d’arbitrage ont instauré des mécanismes spécifiques conformes aux sanctions et acceptables à la fois pour les autorités de régulation chargées de l’administration du régime de sanctions et pour les banques qui traitent les fonds.

1 The White House, Executive Order on Addressing the Threat from Securities Investments that Finance Certain Companies of the People’s Republic of China, 3 June 2021.

2 Voir aussi Cour d’appel de Paris, 13 avril 2021, n°18/09809, paras. 37-44 pour une application de la grille de lecture.

Par Gaëlle Filhol, Associée-gérante, et Alexandre Reynaud, Associé, Betto Perben Pradel Filhol, Partenaires du Club des Juristes

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