Au secours de la démocratie ?
Crise de la démocratie, crise des institutions ? Le constat de la situation politique française, comme celle d’un certain nombre de pays européens, traduit en effet une crise de la démocratie représentative. Les votes pour des partis se situant aux extrêmes de l’échiquier politique, s’ajoutant aux abstentionnistes, sont majoritaires. Les raisons en sont multiples, elles tiennent notamment à la déconnection entre le choix électoral et les décisions prises, qui résultent en fait de contraintes externes, économiques, financières… Par ailleurs, la démocratie, qui fonctionne dans un cadre national, est concurrencée par des systèmes supranationaux. Or les unes et les autres de ces contraintes n’obéissent pas à une logique démocratique. Les décisions juridictionnelles nationales ou supranationales concurrencent le pouvoir politique. Face à cette crise, la vaine tentation du recours à la démocratie participative développe les communautarismes et ne permet pas de légitimer les décisions au niveau national. Nos systèmes démocratiques, adaptés à un temps de paix et de relative prospérité, sont plus fragiles que l’on peut le penser.
Revivifier la démocratie c’est revenir à son sens premier, rendre la parole au Peuple. Au delà de la formule, il existe dans la Constitution un instrument pertinent: le référendum. Craint, du fait que le Peuple ne répond pas toujours à la question posée, galvaudé, par une utilisation opportuniste, le référendum reste un outil majeur de la démocratie. On dénonce le risque de dérive plébiscitaire, pourtant quoi de plus démocratique pour un responsable politique que d’engager sa responsabilité devant le Peuple qui l’a élu, en cours de mandat ? On invoque le risque de dérive populiste, mais priver le peuple de la faculté de s’exprimer ne peut que favoriser les partis populistes. Il convient, notamment, et ce serait particulièrement opportun au début d’un nouveau mandat présidentiel, de redonner la parole au Peuple sur des questions importantes, parmi lesquelles ces « questions de société », dont justement le Conseil constitutionnel estime qu’elles sont tellement politiques qu’il n’en contrôle pas la constitutionnalité, mais aussi sur les choix sociaux et économiques majeurs.
Il est vrai que dans notre système juridique, en réalité mixte, le principe démocratique est tempéré par un principe libéral de séparation des pouvoirs et de garantie des droits.
Si l’on admet que le référendum peut constituer une réponse à la crise de la démocratie, une réflexion doit s’engager sur l’articulation entre principe démocratique et principe libéral. L’une des solutions, qui permettrait d’éviter que par la voie référendaire ne soient opérées des violations de droits et libertés fondamentaux, consisterait à soumettre les projets (ou les propositions) de loi référendaires au Conseil constitutionnel préalablement à leur vote par le Peuple, le juge constitutionnel pouvant apprécier, tant la clarté du texte, voire de la question, que sa conformité aux dispositions substantielles de la Constitution.
Il ne faut pas se cacher que cette procédure présente un certain nombre d’inconvénients. D’abord elle donne au juge une place centrale, qui pour le moins exigerait de lui une grande réserve, ensuite, elle interdirait au Président de la République de réviser la Constitution en en appelant directement au Peuple sans vote préalable des Assemblées parlementaires et conférerait ainsi un droit de veto au Sénat. Il n’est pas illégitime de considérer qu’il s’agit d’obstacles sérieux.
Il ne s’agit donc que d’une réflexion à peine ébauchée qui mériterait débat. Elle n’en répond pas moins à la nécessité impérieuse de rendre la parole au peuple, ce qui dans un système qui se veut démocratique n’est pas si archaïque que veulent bien le penser ceux qui sont, de fait, attachés à un système oligarchique et qui exercent, à ce titre, le pouvoir intellectuel ou politique. Faute de quoi, le Peuple risque de reprendre une parcelle du pouvoir qui lui est dénié dans des conditions qui peuvent conduire à tous les débordements. Autrement, la vraie question pourrait être celle de savoir si la démocratie est encore possible en dehors d’un système politique inscrit dans des frontières et fondé sur le partage de valeurs communes.