Des initiatives récentes menées par nos institutions font la promotion du droit dit romano-germanique. Cet effort « marketing » est nécessaire car les attraits du droit français ont souvent été sous-estimés dans sa comparaison avec la common law.
Toutefois, on ne convaincra des acteurs économiques de soumettre leur contrat au droit français, d’y localiser le règlement juridictionnel de leurs différends, et plus généralement d’investir en France, qu’à la condition que le système juridique français dans son ensemble soit perçu comme prévisible.
Et sur ce terrain, il y a encore des progrès à faire. Deux exemples l’illustrent, l’un portant sur le droit applicable, l’autre sur le juge compétent.
Le 9 février 2017, la Cour de cassation a rendu un arrêt appliquant une loi de 2009 à un contrat de bail conclu en 2007, au motif que la loi était d’ordre public et devait régir les contrats en cours au jour de son entrée en vigueur. Cela n’est pas choquant sur le plan du droit mais heurte de plein fouet la notion de confiance légitime : alors que les parties au contrat de bail conclu en 2007 pensaient pouvoir faire jouer une faculté de résiliation tous les trois ans, la loi promulguée en 2009 a finalement enfermé la faculté de résiliation dans le délai de neuf années. A cette aune, il peut s’avérer difficile de convaincre des agents économiques ayant le choix du droit applicable à leur contrat que le droit français est le meilleur choix qui s’offre à eux puisqu’ils craindront de s’exposer à un changement des règles applicables après la signature du contrat, même si les contrats internationaux obéissent à un régime parfois différent des contrats nationaux.
Le 17 juin 2013, le tribunal des conflits a considéré que la construction d’un ouvrage public sur une propriété privée n’était plus ce qu’il qualifiait de « voie de fait », revenant sur une jurisprudence encore confirmée 3 ans plus tôt, et faisant passer la compétence pour traiter ce litige du juge judiciaire au juge administratif. Or, alors qu’une affaire en cours avait déjà donné lieu à cinq décisions de justice depuis 2002, la Cour de cassation, à nouveau saisie de ce même dossier, refusera en 2015 de faire application de la nouvelle jurisprudence du tribunal des conflits de 2013, pour un motif au demeurant parfaitement valable sur le plan du droit… Comme on peut l’imaginer, presque 15 années de procédure autour notamment d’une question de détermination du juge compétent, un changement de jurisprudence en cours de procédure, et une inapplication de cette nouvelle position au final ont de quoi dérouter les entreprises, comme les citoyens, en quête de prévisibilité et de célérité lorsqu’ils engagent un procès.
Peut-être est-il temps de conforter les attentes légitimes des contractants et des justiciables par une grande loi régissant les effets dans le temps des changements de loi et de jurisprudence. La promotion du droit français n’en sera que facilitée.