L’actualité est à la dénonciation des inégalités fiscales entre les grands groupes et les PME. En témoigne, le projet récent de surtaxe d’IS sur les grandes sociétés. Comme toujours en matière fiscale, l’opposition entre sociétés du CAC 40 et PME n’est pas sans arrière-pensée politique. Elle permet, en pointant la sous-imposition des premières, de dénoncer leur pouvoir de pression et leur capacité prétendue à optimiser leur fiscalité. Et sous entend que les PME seraient plus compétitives si leur taux d’imposition était plus faible.
Il faudrait prendre le temps d’analyser les présupposés philosophiques d’un discours politique qui personnifie les sociétés dans l’ordre éthique et attribue à l’IS une fonction de redistribution à laquelle nous ne sommes pas accoutumés. La réalité est souvent plus complexe. Les règles de l’IS sont les mêmes pour les grandes entreprises et pour les petites. Le régime de consolidation mondiale, qui n’était accessible qu’aux premières, a disparu. Demeure en revanche un taux réduit de 15 % pour les seules PME. S’il y a une différence de charge fiscale entre sociétés, sa cause est donc à rechercher dans la situation réelle des entreprises et non dans les privilèges juridiques consentis à certaines d’entre elles.
Les grandes sociétés sont davantage implantées à l’étranger, leurs bénéfices sont réalisés en dehors du champ de l’IS français. Elles sont fortement endettées et déduisent de leur résultat les intérêts acquittés. Elles ont fait ces dernières années d’importants déficits qu’elles peuvent imputer sur leurs bénéfices ultérieurs. Elles profitent davantage que les PME de l’intégration fiscale, qui permet aux groupes d’être imposés de façon globale. Notre système fiscal est-il trop généreux ? La question doit être examinée sans parti pris, en pleine connaissance des contraintes économiques et juridiques encadrant les choix législatifs. Notre système favorise-t-il l’optimisation fiscale des grandes sociétés ? C’est objectivement erroné, compte tenu de la profusion des règles anti-abus existantes tant en droit interne qu’international.
Constat mitigé
Du côté des PME, le vrai problème est le fait qu’aucune règle fiscale de faveur n’a jusqu’à présent fait la preuve de son efficacité. Si le taux réduit de 15 % a permis à des PME de réduire leur imposition et de renforcer leurs fonds propres, ce dispositif a surtout favorisé les très petites entreprises intervenant dans des secteurs à l’abri de la concurrence internationale (construction, commerce, activités immobilières et services à la personne). Il n’a pas permis, en revanche, de favoriser l’émergence d’entreprises de taille intermédiaire de nature à se développer au-delà des frontières. On peut faire le même constat mitigé après l’expérience de la fiscalité spécifique des « gazelles », qui consistait à geler l’impôt sur les sociétés des jeunes entreprises pendant leur période de croissance.
En résumé, le débat contemporain sur la fiscalité des sociétés n’a rien à gagner à opposer les grands groupes aux PME. Il est plus utile de se demander comment la situation budgétaire du pays peut être redressée sans pénaliser la compétitivité de toutes les sociétés, grandes ou petites.