Découverte en matière de sécurité sociale par la Cour de cassation avec les arrêts Eternit du 28 février 2002 pour mieux indemniser les salariés victimes de l’amiante, l’obligation de sécurité de résultat du chef d’entreprise avait depuis 2006 envahi tout le droit du travail : du harcèlement moral ou sexuel au burn-out en passant par les risques psycho-sociaux.
S’agissant de harcèlement, l’employeur était ainsi systématiquement reconnu responsable : « Tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, il manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. » (en l’espèce licencier immédiatement le collaborateur fautif : CS 11 mars 2015). Position redoutable : si l’employeur est automatiquement déclaré fautif, quoi qu’il fasse avant et quoi qu’il fasse ensuite, va t-il massivement investir dans la prévention ?
L’arrêt Air France du 25 novembre 2015 revient heureusement à la raison, déjà énoncée le 14 juin 2007 par la CJUE (Aff. C-127/05, UK) : si en application de la directive de 1989, «l’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail», il n’est pas forcément responsable « s’il démontre qu’il a adopté toutes les mesures raisonnablement praticables».
Il est vrai que les faits étaient particulièrement adaptés à un revirement. Ayant assisté de son hôtel new-yorkais aux attentats du 11 septembre 2001, un chef de cabine est victime cinq ans plus tard d’une crise de panique avant d’embarquer : il se met en arrêt de travail. Et deux ans plus tard, le 19 décembre 2008, assigne Air France devant le conseil des prud’hommes en demandant des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat. Rappelant que « le salarié avait été au retour de New-York accueilli par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les intéressés vers des consultations psychiatriques (refusées par l’intéressé) le salarié, déclaré apte lors de quatre visites médicales intervenues entre le 27 juin 2002 et le 18 novembre 2005 avait exercé sans difficulté ses fonctions jusqu’au mois d’avril 2006 », la Chambre Sociale en conclut que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ».
Heureuse décision incitant l’employeur à appliquer les neufs principes de prévention listés par ordre à l’article L. 4121-2, et à prendre des mesures énergiques pour mettre fin à d’éventuelles dérives tout en en gardant des traces : car la charge de la preuve continue logiquement à peser sur lui.