La création du Parquet national financier (PNF) en 2013 (L. n° 2013-1117, 6 déc. 2013) a marqué une transformation profonde des mécanismes et des stratégies d’enquêtes dans les affaires financières (V. égal. Génération Van Ruymbeke : JCP G 2024, act. 791). L’apport par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 du mécanisme de convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) est venu doter les parquets d’un outil particulièrement efficace, et à certains égards attractif pour les entreprises, permettant de mettre un terme aux enquêtes en cours.
Si la possibilité d’une justice pénale négociée était présente depuis longtemps dans notre environnement judiciaire (via la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – CRPC), la CJIP et les sujets vastes et complexes qu’elle permet d’appréhender a trans- formé (et redynamisé) la réflexion autour de la justice négociée dans son ensemble. Le nombre de CJIP mises en œuvre, les montants particulièrement élevés collectés depuis la création du PNF (3,98 milliards d’euros pour 20 des CJIP négociées avec le PNF), qui dépassent de très loin la totalité des montants collectés au titre de décisions rendues par les différentes juridictions au cours des dernières décennies, témoignent de l’efficacité de ce dispositif. Mais plus encore la CJIP modifie désormais notre approche du règlement d’un dossier complexe puisque celle-ci exige de concevoir – dans une approche accélérée – la fin des pratiques mises en cause, l’amélioration des systèmes internes de prévention et de détection des atteintes à la probité ou à d’autres obligations légales et règlementaires, une modification de la gouvernance et, nécessairement, une réflexion plus poussée sur le calcul et le provisionnement de l’amende.
Naturellement, comme tout phénomène nouveau et partiellement itératif, la justice négociée nécessite ajustements et clarifications : conjugaison entre la situation de l’entreprise et des personnes physiques (puisque la CJIP ne peut couvrir la situation de ces derniers), clarification sur les modalités de calcul des amendes, sort des enquêtes internes, conséquences des différents types de règlements transactionnels à l’égard des régulateurs étrangers notamment dans le cadre de procédures multi-juridictionnelles.
Pour autant alors que la pratique a naturellement évolué (portée également par la doctrine du PNF exprimée à travers plusieurs lignes directrices), des évolutions récentes sont venues apporter quelques éclairages et ajustements utiles. C’est le cas notamment de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice, clarifiant l’organisation de la CRPC et offrant désormais la possibilité de présenter devant le juge de l’homologation une nouvelle proposition malgré le rejet d’une première tentative. Il serait en effet impossible d’encourager le recours à la CJIP sans apporter de précision sur le déroulement de la procédure de CRPC qui peut être utilement déployée en appui afin de permettre un règlement définitif portant à la fois sur la situation des personnes morales et des personnes physiques.
Ceci étant rappelé, deux axes de réflexion nous semblent devoir être impérativement poursuivis afin d’apporter clarté et lisibilité à l’ensemble des mécanismes de négociation.
En premier lieu, la question de la connexité, puisque le sens de l’histoire semble être celui d’une extension de la justice négociée et de la CJIP. Il conviendra d’assouplir la condition de connexité afin de permettre d’appréhender des infractions qui ne figuraient pas par- mi celles pour lesquelles la CJIP avait été initialement instituée. Cet assouplissement est d’autant plus nécessaire qu’avec l’apparition de la CJIPE (CJIP environnementale ; L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020) ce sont toutes les infractions du Code de l’environnement qui peuvent désormais être appréhendées, créant un hiatus impor- tant entre la matière environnementale et les autres infractions. L’autre axe d’amélioration réside incontestablement dans une meilleure structuration de la confidentialité afférente aux discussions, souvent complexes et longues, obéissant à un parcours maïeutique, entre la partie poursuivie et le parquet. Créer les conditions d’une confidentialité plus structurée permettra d’offrir aux deux protagonistes un espace plus formalisé et serein, au bénéfice d’une discussion utile.