La chambre internationale de la Cour d’appel de Paris, annoncée le 13 décembre dernier, doit être installée au premier trimestre 2018. Elle connaîtra de l’appel des litiges internationaux de droit des affaires jugés en premier ressort par les tribunaux de commerce. L’anglais s’y parlera. La procédure sera dynamisée pour davantage d’oralité et de contradictoire. Cette modernisation s’inscrit dans le droit fil du Rapport Canivet du 3 mai 2017. Elle fait écho à une pratique établie du tribunal de commerce de Paris.
L’ambition de cette réforme est de répondre aux opportunités nées du « Brexit ». Avec plus de 500 nouveaux litiges par an n’impliquant aucune partie anglaise et un poids économique de plus de 25 milliards de livres sterling, Londres s’est imposé comme hub juridictionnel de premier plan. Mais sans le système européen de reconnaissance mutuelle des jugements, nombre d’opérateurs commerciaux internationaux hésitent à soumettre leurs contrats au droit anglais et à la compétence de la Cour de Londres. D’où l’idée d’une offre continentale adaptée.
L’usage de l’anglais, langue du commerce mondial, doit se concilier avec l’ordonnance de Villers-Cotterêt qui impose le français comme langue de justice. Dans le respect de l’accord des parties, on pourra se dispenser de traductions, intervenir oralement en anglais et disposer de décisions bilingues mais le français fera foi pour les écritures et décisions.
Les modalités procédurales s’adapteront à l’instruction des faits complexes. Renforcer l’accès aux preuves et aménager le déroulement de l’audience pour entendre parties, témoins et d’experts se fera sans réforme du code de procédure civile dont l’usage effectif dans un cadre collaboratif suffira.
A qui s’adressent ces chambres internationales ? Une entreprise française peinera à convaincre une contrepartie étrangère d’accepter la compétence d’un tribunal français pour les mêmes raisons qui lui font rejeter les cours étrangères. Prétendre concurrencer Londres sur le terrain du common law n’ira pas non plus de soi en terre civiliste. Les acteurs les plus sophistiqués préféreront l’arbitrage international qui, à Paris ou ailleurs, demeure à raison la méthode privilégiée de règlement des différends internationaux. Mais certains opérateurs étrangers pourront rechercher la justice française pour sa tradition d’indépendance, de qualité et de neutralité à l’égard de l’application de droits étrangers, offrant l’assurance d’un double degré de juridiction, d’audiences et de décisions publiques et d’une approche civiliste du procès pour un coût très modeste. Les chambres internationales pourraient ainsi s’inventer un bel avenir auprès d’opérateurs issus de régions de tradition civiliste (Afrique, Amérique latine, Asie, Moyen-Orient) et non nécessairement francophones.
Au-delà des questions de dotations en moyens humains et technologiques qui restent ouvertes, le succès de « Paris juridiction internationale » supposera que les pouvoirs publics et hauts magistrats adoptent, comme outre-Manche, une démarche de promotion très volontariste. Là n’est pas le moindre défi pour ce beau projet.