Enjeux et rôle des acteurs du capital-investissement
Les bouleversements climatiques récents ont inéluctablement conduit à une prise de conscience collective sur la nécessité d’œuvrer de manière concrète à la réduction impérative de notre emprunte carbone. La situation d’urgence énergétique, écologique et climatique nous interdit de regarder ailleurs alors que notre maison brûle, pour reprendre les mots prononcés par Jacques Chirac lors du Sommet de la Terre à Johannesburg il y a plus de 20 ans maintenant.
Suivant la trajectoire fixée par l’Accord de Paris de 2016, l’Europe et la France en particulier ont fixé une feuille de route aussi ambitieuse que nécessaire pour atteindre une neutralité carbone en 2050 et réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Objectifs réaffirmés lors de la Cop 28 de Dubaï au cours de laquelle une centaine d’États ont appelé à tripler la capacité mondiale des énergies renouvelables à la même échéance, avec un recours plus grand au nucléaire. Le rôle des acteurs financiers et en particulier ceux du capital investissement est primordial et les engagements de la place financière de Paris ont été confirmés par une mobilisation collective récente au travers de l’Institut de la finance durable sous l’égide de Paris Europlace.
Les besoins d’investissements sont colossaux pour faire face à l’un des plus grands défis collectifs des temps modernes. Et le temps des engagements a fait place à celui de l’action, au travers de la mise en place de stratégies d’investissements dédiées à la transition énergétique et, plus généralement, au financement des objectifs de décarbonation de nos industries.
Les investissements dans la transition énergétique sont un premier levier indispensable à une sortie définitive des énergies fossiles en accélérant le déploiement massif de la production d’énergies décarbonées. C’est le choix fait par un nombre grandissant de fonds d’infrastructures dédiés à la transition énergétique (certains sous la forme de fonds « Article 9 » selon la règlementation SFDR). Pas moins de 45 fonds (buyouts, infrastructure et private debt) dédiés à la transition énergétique ont été référencés en Europe lors d’une étude de Reach Capital cette année. En France, au 1er semestre 2023, près de 100 opérations réalisées par les acteurs du capital-investissement dans le secteur, pour un montant total de plus de 2 milliards d’euros, ont été comptabilisées par la Commission Transition Ecologique de France Invest.
Certes, une stratégie d’investissement concentrée sur la transition énergétique ne s’opère pas sans obstacles, au rang desquels on peut noter la hausse de l’inflation et des taux d’intérêts (souvent pondérée par des mécanismes contractuels de couverture contre l’inflation de type indexation) ou encore la durée d’investissement très longue en matière de transition énergétique (compensée quant à elle, notamment sur les opérations récentes, par la mise en place d’instruments hybrides [mix actions/obligations convertibles] offrant des périodes de maturité raccourcies). En Europe, la ligne politique claire et l’avènement de technologies innovantes (systèmes de stockage d’énergie, hydrogène) aux côtés des technologies plus traditionnelles (photovoltaïque, éolien, biomasse) sont annonciateurs d’auspices radieux pour les investissements dans les énergies renouvelables.
Un second vecteur clé est celui de la participation des acteurs du private equity aux enjeux de décarbonation de notre industrie au sens large. Ce sujet, qui dépasse les préoccupations des fonds dédiés à la transition énergétique, a trouvé une place centrale dans les investissements réalisés par les sponsors financiers de tous bords. Il est clé pour donner à nos PME et ETI, dans lesquels les fonds investissent massivement, les moyens de réduire à court terme leur empreinte carbone. Cette trajectoire est portée par des engagements RSE au cœur des stratégies d’investissements et, bien sûr, par l’appareil législatif et règlementaire qui ne cesse de s’étoffer (green deal européen, réglementation SFDR, taxonomie environnementale, loi climat, etc.). Il n’est pas toujours simple de naviguer dans un environnement règlementaire en perpétuelle inflation, les technologies de réduction d’émissions (captation et stockage de carbone) sont aujourd’hui pour partie à parfaire et le reporting en la matière reste parfois complexe à mettre en place (quantification difficile des émissions de type « scope 3 »). Pour autant, ici encore, les ambitions sont affichées et les investisseurs ont pris conscience de leur rôle décisif dans la décarbonation industrielle, qu’ils ont pleinement intégrée à leurs stratégies.