294 voix contre 95, le Parlement a adopté le 21 juin la loi relative à la protection du secret des affaires, transposant ainsi la directive européenne du 18 juin 2016. Malgré ce score élevé, rarement un texte aura fait couler autant d’encre et agité les réseaux sociaux.
En cause, un dispositif qui mettrait à mal la liberté d’information des journalistes, organes de presse et lanceurs d’alerte. D’où le recours déposé ce 25 juin par l’opposition auprès du Conseil constitutionnel…
Il y a quelques années, traiter du sujet « secret des affaires » aurait pu apparaître comme une provocation. L’époque était à la transparence à tout va, répondant à une méfiance généralisée à l’égard des opérateurs économiques : on saluait ses mérites, vantait ses vertus et le secret était suspect, créant une inégalité de fait entre ceux qui le possèdent et les autres.
Plus récemment, la transparence a profondément innervé notre droit des sociétés ; c’est peu dire que le cadre normatif des entreprises n’est pas propice à la préservation du secret de leur patrimoine immatériel. Pourtant, il est certaines informations que la société n’a pas intérêt à communiquer. L’Union Européenne en a pris conscience et a conféré à la préservation du secret des affaires une légitimité qui lui manquait jusqu’alors, mettant en avant des statistiques inquiétantes – 1 entreprise sur 5 se déclarant victime d’au moins une tentative de violation de ses secrets au cours des 10 dernières années.
Sans nul doute, la loi adoptée répond à un enjeu de compétitivité internationale face à des concurrents, d’Outre-Atlantique ou d’Asie, qui sur ce terrain de l’intelligence économique, s’avèrent bien mieux armés que nous. Conscient de cet enjeu, le législateur ne s’est pas contenté d’instaurer un dispositif de réparation de la violation du secret mais d’étendre sa protection à toutes les phases des procédures judiciaires – y compris précontentieuse – au cours desquelles un secret serait produit. Ce faisant, il répond à une demande forte des entreprises.
Et contrairement à ce qui est affirmé, en aucun cas la protection du secret des affaires n’affecte les droits des salariés, le droit de la presse ou les libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression des lanceurs d’alertes. Toutes ces situations font l’objet de dérogations explicites.
Il appartient désormais aux entreprises de prendre leur responsabilité en mettant en place des « mesures de protection raisonnables » pour rendre éligibles leurs informations stratégiques à la protection du secret d’affaires.
Toutefois, un bémol : l’introduction d’une amende civile exorbitante du droit commun en cas de procédure dilatoire ou abusive des entreprises. Ce dispositif, pour le coup, interpelle du point de vue de sa constitutionnalité : il porte manifestement atteinte au principe du libre accès à la justice, spécifiquement pour les PME et start-up qui seront naturellement dissuadées d’agir en justice.
Finalement, qu’il s’agisse de transparence ou de secret, c’est toujours la défiance qui sous-tend le débat… l’inconscient collectif assurément… dirait Jung.