fbpx
skip to Main Content

Say on, par Frédéric Peltier

La voix des actionnaires

Après des décennies de résistance, la rémunération des dirigeants des sociétés cotées est passée du tabou à la transparence. Aujourd’hui, le dispositif dit say on pay, ne fait plus débat sur le principe. La légitimité des actionnaires pour encadrer les grands patrons des sociétés cotées dans la détermination de leur rémunération fait désormais partie du pouvoir légitime des actionnaires. Leur vote annuel en assemblée générale ordinaire sur la politique de rémunération est désormais contraignant. Avec la loi dite Pacte du 22 mai 2019 qui a introduit une sanction de nullité en cas de mise en œuvre d’une rémunération non conforme à la politique de rémunération approuvée par les actionnaires, ce vote est un moment fort des assemblées.

Le dispositif français du say on pay ne représente pas seulement une avancée démocratique consistant à ce que les actionnaires aient le dernier mot sur la rémunération des dirigeants sociaux. La définition de la rémunération juste soumise à leur vote doit aussi être conforme à l’intérêt social de la société, en contribuant à sa pérennité et en s’inscrivant dans sa stratégie commerciale, comme le précise expressément l’article L.225-37-2 du code de commerce. En d’autres termes, les actionnaires doivent s’assurer que la rémunération des dirigeants sociaux est axée sur des préoccupations de développement durable et qu’elle n’est pas uniquement centrée sur un objectif de croissance du cours de bourse.

Même s’il existe encore des excès et des assemblées impuissantes, ce pouvoir nouveau des actionnaires prendra toute sa consistance au fil du temps. Il n’est donc pas exagéré de parler de révolution au sens physique du terme : le say on pay tel qu’il est désormais appliqué en droit français, demande aux actionnaires de veiller à ce que l’entreprise dont ils détiennent le capital soit citoyenne et socialement responsable dans sa course au profit et à la performance boursière. D’ailleurs l’introduction possible dans les statuts, en complément de l’objet social, d’une raison d’être de la société commerciale, s’inscrit dans cette logique du « say on ». La société cotée doit dévoiler ce qu’elle poursuit et les méthodes pour y arriver en se positionnant comme un acteur sociétal.

C’est un mouvement de fond irréversible et c’est bientôt le say on climate qui pourrait devenir un autre moment fort des assemblées d’actionnaires dans les sociétés cotées. Promu par des investisseurs institutionnels revendiquant des exigences ESG (environnementales, sociales et de gouvernance), ce nouveau « say on » consiste à faire voter les actionnaires sur la politique climat et l’empreinte carbone des entreprises.

Comme pour le say on pay avant qu’il ne s’impose comme un standard, le say on climate est encore aujourd’hui considéré avec une certaine méfiance par les sociétés cotées. Elles sont encore peu nombreuses à soumettre aux actionnaires ce type de résolutions qui apparaissent d’ailleurs dans bien des cas des pétitions de principe lorsqu’elles sont introduites dans l’ordre du jour.

Fortement contributrices des émissions de gaz à effet de serre, les entreprises se doivent pourtant d’être en première ligne pour atteindre l’objectif de neutralité carbone qui est l’enjeu majeur de ce siècle.

Instaurer les actionnaires comme les vigiles de l’impact climatique des entreprises auxquelles ils apportent des capitaux apparait néanmoins comme une évidence. Le poids des grands investisseurs institutionnels exprimant des réserves sur l’efficacité d’un tel mécanisme et sur les potentielles conséquences sur la responsabilité des conseils d’administration notamment, faiblit, car l’urgence climatique grandit.

Les fonds de pensions investissent en bourse pour assurer des retraites ou d’autres objectifs de prévoyance. Cette sécurité financière recherchée pour l’avenir au travers de l’investissement boursier n’a aucun sens s’il ne s’inscrit pas dans une sécurité climatique. C’est pourquoi le vote des actionnaires sur la politique climatique ne doit pas s’analyser comme un vote de contrôle de la gouvernance, mais au contraire comme un vote de responsabilité des actionnaires qui sont concernés au premier chef par le réchauffement climatique, car le climat est aussi capital que les capitaux.

Le say on traduit donc une attitude actionnariale nouvelle qui ne doit pas être exclusivement centrée sur un objectif de valorisation boursière. Il faut encourager cette tendance visant à donner aux actionnaires des grandes société cotées en bourse, au-delà de leurs prérogatives de contrôle de la gestion au sens stricte du terme, des pouvoirs les mettant devant les responsabilités sociétales de leur investissement, tel le climat, ou encore l’égalité homme-femme, mais aussi la lutte contre l’évasion fiscale qui devient un enjeu sociétal incontournable.

Par Frédéric Peltier, Avocat à la Cour, Peltier Juvigny Marpeau & Associés partenaire du Club des juristes. 

Frédéric Peltier

Frédéric Peltier

Avocat à la Cour, Peltier Juvigny Marpeau & Associés
Back To Top
×Close search
Rechercher