Une chaîne YouTube de vidéos promotionnelles est-elle un service de médias audiovisuels (SMA) ? Telle est en substance la question que la Cour de justice de l’Union européenne vient de trancher par l’arrêt Peugeot Deutschland du 21 février dernier. L’affaire se posait dans des termes simples. Il était reproché à Peugeot Deutschland d’avoir omis de faire figurer, sur une vidéo de promotion mise en ligne sur la chaîne YouTube du constructeur, des informations relatives aux émissions de CO² du véhicule. Pourtant, selon la loi allemande, échappent à l’obligation de faire figurer ces mentions les services qui peuvent être qualifiés de SMA au sens de la directive 2010/13 du 10 mars 2010. La solution du litige dépendait donc de savoir si doivent être considérées comme un SMA une chaîne YouTube contenant des vidéos promotionnelles ou une de ces vidéos.
La directive définit les SMA de deux façons.
Il peut s’agir, en premier lieu, d’un service qui, relevant de la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias, a pour objet principal la fourniture de programmes “dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public”. Or, relève la Cour, l’objet de la chaîne YouTube en question est de promouvoir, à des fins purement commerciales, le véhicule présenté. Son objet principal n’est donc pas d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public, de sorte que le but promotionnel poursuivi suffit à écarter pour une telle chaîne YouTube la qualification de SMA.
Cette notion recouvrant, en second lieu, les “communications commerciales audiovisuelles” conçues pour promouvoir des marchandises ou des services, la vidéo litigieuse pouvait-elle être qualifiée de la sorte ? La Cour répond par la négative, relevant que, selon la directive, les communications commerciales doivent accompagner un programme ou y être insérées. Or, en l’espèce, la chaîne YouTube ne contenant que des vidéos autonomes les unes des autres, il n’était pas possible de dire que la vidéo en cause accompagnait ou était insérée dans un “programme”.
La conclusion s’imposait donc à la Cour : ni la chaîne YouTube ni la vidéo en cause ne pouvaient être qualifiées de SMA.
Les contours de cette notion dans le monde numérique se dessinent ainsi progressivement. La Cour de justice avait déjà jugé que pouvait être considéré comme un SMA un service offrant des vidéos sur la page internet d’un journal lorsque ces vidéos, accessibles indépendamment de la lecture des articles du journal, ont un contenu et une fonction autonomes par rapport à ceux de l’activité journalistique du reste du site internet, et ne sont donc pas son complément indissociable (21 octobre 2015, New Media Online, C-347/14).
Le législateur européen, quant à lui, envisage de modifier la directive 2010/13 afin d’élargir certaines des obligations qu’elle fixe aux plateformes de partage de vidéos qui, bien que n’assumant pas la responsabilité éditoriale du contenu qu’elles accueillent, l’organisent par divers moyens. Une telle évolution irait manifestement dans le sens d’une plus grande neutralité technologique de la régulation.