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Vers un tribunal des marchés financiers ?

Transformer la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) en tribunal des marchés financiers ? L’idée pourrait paraître audacieuse si elle n’avait été formulée le 5 octobre dernier par la nouvelle présidente de la commission des sanctions, Claude Nocquet – par ailleurs conseillère à la Cour de cassation -, à l’occasion du colloque annuel de cette commission. Le choix des mots n’est jamais neutre, et passer d’une « commission » à un « tribunal », c’est assurément, dans la pensée de son auteur, non seulement affirmer une forme d’indépendance- à tout le moins statutaire et d’esprit -à l’égard de l’AMF, mais aussi reconnaître les efforts accomplis récemment pour garantir le caractère équitable de la procédure répressive du régulateur au regard des standards européens.

Envisager la création d’un tribunal des marchés financiers, c’est aussi l’occasion de jeter un regard prospectif sur une évolution plus ambitieuse encore, permettant l’avènement d’une juridiction de première instance compétente pour traiter tous les contentieux relatifs aux marchés financiers, aussi bien en matière répressive que civile.

Taille critique
Sur le plan répressif, une telle juridiction pourrait connaître, au-delà du champ de compétences actuel de l’AMF, des contentieux disciplinaires qui sont aujourd’hui du ressort de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP). Cette fusion entre les commissions des sanctions des deux régulateurs serait aisée à mettre en oeuvre, compte tenu du soin récemment pris par le législateur à calquer leur procédure l’une sur l’autre. Elle serait aussi, assurément, porteuse de synergies. En effet, outre l’enrichissement de sa composition, un tel rapprochement permettrait notamment à l’organe de jugement nouveau d’acquérir une taille critique, légitimant la gestion d’un budget propre. Ce dernier rendrait alors possible la rupture de tout lien organique avec les autorités de poursuite et renforcerait encore son indépendance.

S’agissant des abus de marché, la création d’un tribunal des marchés financiers constituerait sans doute l’occasion pour le législateur de tirer les conséquences de ce que la très grande majorité de ce contentieux relève aujourd’hui de l’AMF et non plus du juge pénal. Cela mettrait fin à la possibilité que les mêmes faits puissent faire l’objet d’un cumul de poursuites AMF et de poursuites pénales, la nouvelle juridiction ayant vocation à avoir une compétence exclusive pour ce type de répression.

Sur le plan civil, la proposition de confier à ce nouveau tribunal tous les litiges liés à la responsabilité des acteurs de marché est plus novatrice. Cela vaut tout autant pour les litiges entre professionnels, trop rarement confiés à l’office du juge, dont le peu d’expérience en la matière est souvent considéré par les parties comme porteur d’un aléa judiciaire trop important. La remarque vaut aussi pour les litiges entre professionnels et particuliers, dont le groupe de travail lancé par l’AMF début 2011 « sur l’indemnisation des préjudices subis par les épargnants et les investisseurs » a permis de constater les difficultés de traitement.

A l’heure où les marchés sont vilipendés, l’installation d’une juridiction spécialisée, à partir d’un échevinage de qualité, permettrait ainsi, au-delà de la dimension purement répressive, une expression plus éclairée du droit financier.

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