Le législateur vient de doter les organismes publics d’un nouvel outil d’accompagnement des opérations d’externalisation de leurs services. La loi de transformation de la fonction publique du 9 août 2019 prévoit en effet la possibilité d’un détachement d’office des fonctionnaires lors d’un transfert d’activité d’une administration vers une entreprise.
Jusqu’à présent, les fonctionnaires demeuraient exclus du mécanisme bien connu de transfert des contrats de travail en cas de transfert d’activité, prévu à l’article L. 1224-1 du Code du travail. Seuls les agents contractuels de l’Etat bénéficiaient de dispositions équivalentes, depuis une loi du 3 août 2009.
L’enjeu majeur de l’externalisation
Cette lacune soulevait des difficultés. Lorsqu’une administration souhaitait externaliser l’un de ses services, ses fonctionnaires ne pouvaient rejoindre le secteur privé que sur leur demande. Or l’externalisation est un enjeu majeur de la transformation de l’Etat actuellement en cours. Selon un rapport remis à Bercy en mars 2019, elle représenterait un potentiel d’économies de 25 milliards d’euros. Inséré à l’article 15 du Statut général des fonctionnaires, le nouveau dispositif permet d’imposer aux fonctionnaires de poursuivre leur activité sous un autre statut en cas de reprise d’une mission par une entreprise .
Plusieurs garanties sont prévues pour le fonctionnaire détaché d’office. Il bénéficie d’un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée conclu avec l’organisme d’accueil. La durée de son détachement est pour sa part calquée sur celle du contrat liant la personne publique à l’entreprise – par exemple le contrat de concession. Sa rémunération est au moins égale à celle versée par son administration d’origine et ne peut être inférieure à celle des salariés de l’organisme d’accueil exerçant les mêmes fonctions. En cas de licenciement, il est réintégré de plein droit dans son corps d’origine. Enfin, au terme du contrat d’externalisation, il dispose d’un droit d’option entre sa réintégration dans son corps d’origine ou la poursuite de son contrat au sein de l’entreprise, avec radiation de la fonction publique.
Quel sort pour le contrat de travail ?
Certes, quelques interrogations entourent les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau dispositif . Ainsi, la détermination du périmètre exact des personnels concernés par le détachement d’office – ceux qui, selon la loi, « exercent l’activité » transférée – pourrait parfois être difficile. En outre, le texte prévoit le détachement du fonctionnaire sans envisager les conséquences du refus par celui-ci. De même, la différence entre la durée du détachement (nécessairement limitée), et celle du contrat de travail (indéterminée), pourrait générer des incertitudes notamment quant au sort du contrat de travail lorsque le fonctionnaire opte pour sa réintégration dans son corps d’origine . Enfin, l’application des règles déontologiques relatives au détachement d’un fonctionnaire dans le secteur privé pourrait s’avérer délicate. Un décret en Conseil d’Etat précisant les modalités de mise en oeuvre de ce détachement permettra peut-être de répondre à ces interrogations.
Original et équilibré, ce dispositif répond toutefois à un véritable besoin. Il respecte tant les droits des agents que les nécessités de la réorganisation du secteur public. Il offre la souplesse de gestion des agents publics qu’exige l’évolution actuelle du périmètre des services publics. Cette réforme s’inscrit dans un mouvement plus général destiné à permettre aux administrations de restructurer leurs activités en confiant à un partenaire privé la gestion de certaines tâches. Souhaitons que les acteurs publics s’emparent de ce nouvel outil de modernisation de l’Etat .
Par Yann Aguila, associé chez Bredin Prat et président de la Commission environnement du Club des juristes et Laetitia Tombarello, associée chez Bredin Prat, partenaire du Club des juristes.