La procédure de transaction envisagée par le projet de loi Macron permettra-t-elle de pallier les insuffisances de l’actuelle procédure de non-contestation des griefs – dite « NCG » – devant l’Autorité de la concurrence ? Rien n’est moins sûr !
Tout en ayant été en définitive peu utilisée depuis sa création en 2001 (18 % des décisions de sanction), la NCG parvient à attirer certaines entreprises avec l’espoir d’une réduction de 10 % de la sanction encourue, qui peut monter exceptionnellement jusqu’à 25 %. Mais à quel prix ? Renoncer à se défendre sur les pratiques telles que décrites par l’Autorité, accepter leur qualification juridique et leur imputabilité, sans avoir la moindre idée du montant d’amende qui sera imposé par l’Autorité. Il n’est en effet proposé à l’entreprise accusée qu’une fourchette de réduction, sans précision de l’assiette sur laquelle elle s’applique. Un « donnant-donnant » dont les limites ont été constatées de part et d’autre.
L’Autorité en est pour ses frais quant à l’allégement des coûts procéduraux, car les entreprises produisent malgré tout de longues écritures pour contester les éléments du calcul de leur sanction, alourdissant le procédé tant en termes de durée que de charge de travail pour l’Autorité. Quant à l’entreprise, souvent déçue du résultat, elle finit par faire appel de la décision. Ces écueils disparaîtront-ils avec la transaction ?
Tout d’abord, les partisans d’une coexistence des deux systèmes seront déçus : la transaction vise à se substituer à la NCG, et non à offrir aux entreprises une voie procédurale supplémentaire. Or il y aurait de la place pour une transaction avant la notification des griefs (permettant une décision moins détaillée réduisant les risques d’actions en dommages-intérêts pour l’entreprise qui accepte de transiger), tout en maintenant la NCG après la notification des griefs en cas d’échec des discussions transactionnelles, en définitive essentiellement financières. Mais cette option a été écartée, sans pour autant que les difficultés posées par la NCG semblent tout à fait résolues.
Ensuite, le projet de loi ne règle que partiellement la question du montant de la sanction. Certes, la fourchette de réduction proposée par le rapporteur général sera désormais exprimée en valeur absolue, ce qui enlève l’incertitude dénoncée. Mais, malheureusement, il ne s’agit là que d’une simple recommandation, le collège demeurant maître de la décision finale.
Enfin, les délais procéduraux restant très courts, et le projet de loi ne prévoyant pas de suspension de ces délais pendant un temps raisonnable de discussion, les entreprises risquent d’être dissuadées de transiger par crainte de ne plus avoir le temps de se défendre si les négociations échouent.
A vouloir à tout prix maintenir l’originalité procédurale française au lieu de s’inspirer de systèmes peut-être plus efficaces existant chez nos voisins, la loi Macron rate une occasion de créer un régime plus satisfaisant.
* L’auteur remercie Arnaud Sanz, Avocat à la Cour, pour sa contribution lors de la rédaction de ce texte.