L’indispensable sursis des sanctions AMF
Dans ses vœux à la Place pour 2016 le Président de l’AMF a incité la Commission des sanctions à infliger de plus lourdes amendes.
La course au gigantisme des sanctions pécuniaires, notamment à l’encontre des intermédiaires financiers, ne doit pas laisser indifférent.
Certes les comportements répréhensibles des acteurs des marchés financiers méritent d’être lourdement sanctionnés et les sanctions financières doivent être en rapport avec la surface financière des contrevenants et des gains qu’ils réalisent, sinon « même pas mal ».
Cependant, il faut rappeler la limite posée par le principe constitutionnel de nécessité des peines. L’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens, qui doit s’appliquer même en matière de marchés financier, lequel impose que « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires (…) ».
Dans l’application de la Loi, les détenteurs du pouvoir de sanction, qu’il s’agisse de l’autorité judiciaire ou d’une autorité administrative, doivent veiller au respect de ce principe en décidant une sanction proportionnée en fonction notamment de la gravité des faits sanctionnés.
Le rôle de l’avocat est d’éclairer les juges, lorsque vient le débat sur la sanction, quant aux éléments à prendre en compte pour respecter ce principe de proportionnalité. En matière financière il est difficile pour la défense d’être audible dans cette ultime étape du procès. Défendre une entreprise cotée en bourse, un prestataire de service d’investissement ou leurs dirigeants, c’est défendre des riches. Alors on ne peut pas faire pleurer dans les chaumières lorsqu’il faut expliquer que le montant de l’amende sollicité par le Parquet national financier ou du Collège de l’AMF, est trop élevé.
D’aucuns soulignent d’ailleurs qu’une sanction financière est toujours moins pénalisante qu’une peine de prison, les sociétés ne peuvent pas être incarcérées. Et puis une sanction financière on s’en remet, regardez les banques depuis quelques années…
Tout ceci laisse donc le champ libre à l’idée qu’il faut frapper au portefeuille sans trop de retenue, car le principe de proportionnalité ne pose finalement pas d’autre limite que la sanction maximale prévue par la Loi.
Ce faisant, les décisions de l’AMF en viennent à rappeler des éléments du débat sur la proportionnalité pour immédiatement les vider de leur sens. C’est ainsi que dans sa décision du 4 décembre dernier contre la société Fédéris Gestion, on peut lire s’agissant de l’appréciation de la sanction : « il doit être également tenu compte du fait qu’il n’est pas établi que les manquements reprochés aient eu des conséquences négatives. »
En d’autres termes et sans rentrer plus dans les éléments de ce dossier, les manquements sanctionnés qualifiés pourtant de graves, sont demeurés sans effet. Alors pourquoi une sanction de 400.000€ ? Sans doute parce que cette société gère des milliards d’euros. Mais ces milliards générés n’ont pourtant pas souffert des manquements.
Il y a donc bien là un problème de proportionnalité de la peine car, quel que soit le montant de l’amende, ici c’est la justification qu’elle soit ordonnée qui pose problème. Comment est-il possible d’appliquer le principe de nécessité et la proportionnalité d’une sanction sans prévoir la possibilité du sursis ? Lorsque le mis en cause, notamment un prestataire de services d’investissements, a régularisé ses procédures pour ne plus être en manquement, et a fortiori lorsque le manquement n’a pas eu de conséquence négative, l’exigence de la nécessité et de la proportionnalité de la sanction impose le sursis.
Or la Commission des sanctions de l’AMF, contrairement au tribunal correctionnel ne peut pas assortir ses sanctions d’un sursis, mesure pourtant terriblement efficace pour éviter la récidive du contrevenant en appliquant une sanction lourde qui reste en suspens qui fait au demeurant l’objet d’une marge publicité.
Si dans les mois qui viennent le législateur s’interrogeait sur un accroissement des sanctions infligées par l’AMF, sans doute serait-il inspiré pour respecter la Constitution de doter la Commission des sanctions de la possibilité d’assortir ses lourdes sanctions pécuniaires d’un sursis.