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Les sociétés en quête de leurs bénéficiaires effectifs

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est une préoccupation croissante sur un plan mondial. En Europe, la « 4ème directive anti-blanchiment » est venue renforcer ce cadre. Les sociétés commerciales vont devoir identifier leurs « bénéficiaires effectifs » et tenir un registre à cette fin, qui sera déposé au registre du commerce et des sociétés (RCS). bénéficiaires effectifs

Une cacophonie législative a entouré cette transposition : le même mois, deux textes se sont télescopés ! La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite Sapin 2, a prévu des dispositions, alors que l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme avait un objet équivalent. Le premier de ces textes devait entrer en vigueur le 1er avril 2017, sous réserve d’un décret d’application qui n’est jamais paru. Le second doit entrer en vigueur le 1er août 2017 et seul celui-ci devrait devenir droit positif. Un décret du 12 juin (paru au JO du 14) vient préciser ce texte. Si l’ordonnance a exclu de son champ d’application la plupart des sociétés « cotées », son application aux sociétés étrangères ayant un établissement stable inscrit au RCS semble probable.

Le bénéficiaire effectif est la personne physique qui, soit contrôle en dernier lieu, directement ou indirectement, le « client », soit pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée[1]. La notion de contrôle devrait être précisée par décret d’application… mais ne l’a pas été par celui du 12 juin. Un autre projet de décret à l’étude prévoit une détermination par défaut désignant les dirigeants personnes physiques.

Les personnes morales concernées devront dès le 1er août prochain procéder à l’identification de leurs bénéficiaires effectifs, en vue de déposer au RCS le registre de ceux-ci – au plus tard le 1er avril 2018 pour celles déjà immatriculées -, lequel devra contenir « les éléments d’identification et le domicile personnel de ce dernier ainsi que les modalités du contrôle qu’il exerce »[2]. La violation de cette obligation sera sanctionnée, notamment pénalement, et pourra donner lieu à injonction. La mise à jour de ce registre est prévue par décret, ce qui impliquera un suivi par les sociétés de leur actionnariat direct et indirect. Ceci pourra toutefois poser difficulté avec certains pactes d’actionnaires soumis à confidentialité.

Pourront avoir accès à ce registre diverses administrations aux fins d’exercer leur mission, tels les services fiscaux, l’administration des douanes, l’AMF ou encore l’ACPR. Pourront aussi y avoir accès toute autre personne justifiant d’un intérêt légitime, et autorisée par le juge commis à la surveillance du RCS auprès duquel est immatriculée la société ou l’entité juridique.

Cette nouvelle obligation, qui ne peut être que de moyens, alourdit certes les charges des sociétés. Elle répond néanmoins aux impératifs légitimes de la lutte « anti-blanchiment ».

 

Armand W. Grumberg, Avocat associé de Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLP, Expert du Club des juristes

et François Barrière, Professeur à l’université de Lyon (EA 4573), Président de l’ANDJCE

 

[1] Art. L. 561-2-2 C. mon. fin.

[2] Art. L. 561-46 C. mon. fin.

Armand Grumberg

Avocat à la Cour, Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLP
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