La proposition de loi sur le secret des affaires, actuellement devant le Parlement, vise à doter la France d’un outil juridique permettant de protéger efficacement l’un des actifs les plus essentiels des entreprises : les informations non publiques ayant une valeur économique. Peu de pays se sont donné de tels moyens. Le secret des affaires y est en général appréhendé par le biais du droit de la propriété intellectuelle, du droit du travail, de la concurrence déloyale, etc.
Prenant le relais de la proposition de loi de Bernard Carayon, cette nouvelle proposition présente plusieurs mérites : en premier lieu, la définition des informations qu’elle couvre est large, et l’obligation faite aux entreprises de les protéger de façon raisonnable pour qu’elles puissent se prévaloir du secret des affaires permettra d’éviter les recours abusifs à cette loi par des entreprises négligentes. Ensuite, l’interdiction non seulement de soustraire frauduleusement ces informations mais aussi de les utiliser sans le consentement de leur détenteur, même si elles ont été obtenues licitement, renforce le caractère préventif de la loi. Troisièmement, l’arsenal des mesures mises à la disposition du juge en cas de violation de la loi (mesures d’urgence, garanties, saisies, provisions, astreinte, etc.) en accroît l’aspect dissuasif. Enfin, les sanctions, civiles ou pénales, allant jusqu’à la restitution de tout bénéfice résultant de la violation du secret des affaires, lui donneront le poids qu’elle mérite.
Il faut donc se féliciter de ce nouvel instrument au soutien des entreprises françaises dont le patrimoine immatériel est aussi stratégique que souvent méconnu.
Dilemme cornélien
En revanche, la proposition de loi n’est d’aucun secours pour les entreprises françaises confrontées à des autorités étrangères qui leur imposent de transmettre « volontairement » certaines informations dans le cadre de cette nouvelle forme de justice négociée que sont les « deals de justice ».
Sur ce point, la proposition se contente de renvoyer à la loi de blocage dont elle accroît les sanctions applicables. Or cette loi, faite au départ pour aider les entreprises françaises, leur pose aujourd’hui un dilemme cornélien. Pratiquement jamais appliquée par les tribunaux français, elle n’est, de ce fait, guère respectée par les autorités américaines et anglaises qui la perçoivent comme un pur instrument de protectionnisme. Les entreprises confrontées aux enquêtes de ces autorités doivent donc souvent choisir entre la violation d’une loi française, même inappliquée, ou l’irritation des autorités étrangères aux conséquences très coûteuses.
Le législateur serait donc bien inspiré de refondre en profondeur la loi de blocage pour permettre aux entreprises de protéger efficacement leurs informations sensibles, et celles-là seulement, sans être à la merci de la bonne volonté des autorités étrangères.