C’est après un long cheminement législatif que le Conseil constitutionnel a examiné la constitutionnalité de la Loi dite SAPIN II. Dans sa décision du 8 décembre 2016, celui-ci a validé, écarté et parfois même interprété certaines dispositions. S’agissant de la partie consacrée à la lutte contre la corruption, trois questions principales lui étaient soumises.
Le Conseil a, sans réelle surprise, validé le mécanisme de contrôle des systèmes de conformité confié à l’Agence Française anticorruption. Toutefois, il a pris soin de préciser que la notion de « groupe de sociétés » visée à l’article 17 et permettant de déterminer si ce système de contrôle et de sanctions s’applique ou non à une société, doit être entendue « comme désignant l’ensemble formé par une société et ses filiales au sens de l’article L 233-1 du Code des sociétés ou comme l’ensemble formé par une société et celles qu’elle contrôle au sens de l’article L 233-3 du même Code. ». Il sera important, lors d’une acquisition, de s’assurer si celle-ci fait franchir ou non au groupe ainsi défini le seuil des 500 salariés et un chiffre d’affaires de 100 Millions d’euros au-delà duquel le groupe, et toutes les sociétés le composant, deviennent soumis aux mécanismes de contrôle. Les dirigeants de chaque entité, et les entités elles-mêmes, étant soumis à une éventuelle sanction en cas de non respect des obligations de contrôle interne, ils devront suivre de très près l’évolution des groupes afin de ne pas ignorer un éventuel changement de statut du fait du dépassement des seuils précités.
Une autre critique était formulée à l’encontre des articles 6 et 8 de la loi reprochant notamment à ces dispositions de ne pas définir assez clairement la notion même de lanceur d’alerte, l’article 6 ne visant qu’une « personne physique » sans autre précision. Le Conseil a écarté ce grief en précisant toutefois que le « législateur a entendu limiter le champ d’application de l’article 8 aux seuls lanceurs d’alerte procédant à un signalement visant l’organisme qui les emploie ou celui auquel ils apportent leur collaboration dans un cadre professionnel». La procédure spécifique de l’article 8 ne s’applique donc qu’à eux. On peut néanmoins se demander ce qu’il faut entendre par «collaborateurs extérieurs et occasionnels » visé à cet article 8.III : prestataires, sous-traitants, intérimaires, experts comptables ? Si tel est le cas, la liste est longue.
Enfin, l’article 23 de la loi prévoyait de donner une compétence d’attribution exclusive aux procureurs financiers et aux juridictions de Paris pour instruire et juger notamment certains délits financiers. La notion de bande organisée étant très large, cela revenait à réserver ces contentieux à la juridiction spécialisée parisienne. Le Conseil a sanctionné cette disposition redoutant que soient soulevées des irrégularités procédurales susceptibles de résulter de ce transfert de compétence.
Philippe Goossens, avocat associé chez Altana, partenaire du Club des juristes