Le 15 janvier 2018, a été remis au ministre de la justice le rapport «Amélioration et simplification de la procédure pénale», qui suggère «30 mesures concrètes» tendant aux simplifications des différentes phases du procès pénal et des «procédures alternatives aux poursuites», ainsi que cinq mesures de moyen terme.
Dans la continuité des réformes précédentes, il est encore question de renforcer les pouvoirs du parquet. En particulier, le rapport fait état d’un «repositionnement du procureur, dont la Conférence des Procureurs Généraux (PG) estime que son statut constitutionnel rénové serait désormais similaire à celui du Juge des Libertés et de la Détention (JLD), sur un rôle moins de directeur opérationnel d’enquête que de contrôleur de la légitimité des actes procéduraux et de leur qualité». Selon le rapport, certaines mesures intrusives dans la vie privée, relevant notamment des techniques spéciales d’enquête, actuellement confiées au JLD, pourraient, au moins pour une période initiale, être directement autorisées par le parquet, sous réserve de validation ou de renouvellement par le JLD.
Quelle que soit l’issue de ces propositions, le législateur devrait, à notre avis, respecter l’équilibre entre Parquet et Siège pendant le déroulement des enquêtes, de sorte que l’institution d’un véritable «contrepoids» aux larges attributions confiées aux magistrats du parquet paraît indispensable. Il faut bien reconnaître que l’intervention occasionnelle du JLD, qui statue souvent dans l’urgence sans avoir le temps de prendre connaissance du dossier de la procédure, est loin de constituer un contrepoids utile et efficace aux pouvoirs accrus du procureur de la République. D’où la nécessité d’instituer un nouveau juge, que l’on pourrait appeler «juge de l’enquête», à l’instar de ce qu’il est prévu par certaines législations étrangères (par exemple, en Italie). Comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme l’a clairement affirmé dans l’affaire Salduz c/ Turquie, la phase de l’enquête se révèle primordiale pour le déroulement du procès pénal. Vu son importance, il s’impose donc que cette phase présente toutes les garanties d’indépendance.
Mais, pour qu’un tel objectif puisse réellement être atteint, il conviendrait de donner la possibilité au «juge de l’enquête» d’intervenir dès le début de la procédure et de suivre le dossier tout au long de celle-ci.
Il faudrait, par ailleurs, introduire, à l’issue de la phase de l’enquête, un véritable débat contradictoire ayant pour objet l’orientation qu’il faudrait donner au procès pénal. Ce débat devrait être présidé par un juge indépendant (tel le «juge de l’enquête»). C’est qu’en effet, même au cas où le magistrat du parquet bénéficierait d’une indépendance statutaire, il ne demeure pas moins qu’il n’est qu’une «partie» au procès pénal. Sans doute, certains pourraient-il voir, dans un tel système, une atteinte au principe à valeur constitutionnelle de séparation des fonctions. Nous ne le croyons pas, car le juge, qui présiderait le débat contradictoire portant sur l’orientation du procès pénal, ne se substituerait, en aucun cas, au magistrat du parquet quant à l’exercice de l’action publique, et quant à la mise en œuvre des «procédures alternatives aux poursuites».