Loin de la République de Platon, la loi pour une République numérique, promulguée le 7 octobre 2016 par le président de la République n’en présente pas moins quatre vertus cardinales.
1. LA CONNAISSANCE
La loi comprend ainsi de nouvelles avancées en matière d’accès du public aux données de l’administration, à la connaissance scientifique et à la culture en générale.
De la circulation et du partage des données publiques dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental.
C’est ainsi que les données de l’INSEE seront disponibles gratuitement dès l’année prochaine et pourront être croisées avec d’autres données pour permettre de réaliser des cartographies sur les activités des entreprises. De même, les administrations publiques publieront progressivement, sur une période de deux ans, leurs principaux documents administratifs et ensuite tous ceux qui revêtent un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental.
Du droit à la « fouille des textes et des données » en matière scientifique et au partage des œuvres scientifiques
Le droit de la propriété intellectuelle fait l’objet de nouvelles exceptions au profit de la recherche scientifique. Les titulaires de droits de propriété intellectuelle sur les publications et les bases de données scientifiques ne pourront plus faire obstacle à certaines pratiques dites de « text and data mining » – c’est-à-dire la récupération et la reproduction par le biais d’algorithmes d’articles et publications scientifiques accessibles licitement depuis Internet ou sur des bases de données existantes.
Les nouvelles exceptions ne bénéficient toutefois qu’aux personnes agissant dans le cadre de la recherche publique ou ayant un droit d’utilisation sur les bases de données en cause, et qui n’en font aucun usage commercial.
La loi autorise également l’auteur d’une œuvre scientifique financée par des fonds publics à la publier gratuitement sur tout support numérique même lorsqu’il a transmis l’exclusivité de ses droits à l’éditeur d’une revue périodique. L’auteur bénéficiera de cette autorisation lorsque l’éditeur aura également publié gratuitement son œuvre sur support numérique ou à défaut à l’expiration d’une durée de 6 ou 12 mois selon que son œuvre est relative aux domaines des sciences, de la technique et de la médecine ou aux domaines des sciences humaines et sociales.
De la libre reproduction des œuvres de l’esprit
De nouvelles libertés sont reconnues dans le cas où des œuvres protégées sont reproduites.
En particulier, une œuvre architecturale peut désormais être reproduite par toute personne physique dans un but non commercial. Par exemple, la publication sur Facebook de photographies de vacances où figure une sculpture célèbre est donc désormais autorisée sans que l’utilisateur doive – ce qu’il aurait dû faire avant – obtenir l’autorisation de l’auteur de l’œuvre.
2. LA TRANSPARENCE
Du principe de neutralité des réseaux et de la loyauté des plateformes numériques
L’ensemble des moteurs de recherches, comparateurs de prix ainsi que les plateformes « e-commerce » permettant de mettre en relation un client avec un vendeur ou un prestataire de services devront bientôt par « loyauté » délivrer des informations très précises sur les caractéristiques essentielles de leurs prestations.
Plus particulièrement, les plateformes « e-commerce » devront préciser leurs conditions générales de service. Quant aux moteurs de recherches et comparateurs de prix, ils devront informer leurs utilisateurs des critères de référencement et de classement des informations et préciser s’il existe un lien économique entre eux et les personnes référencées ou classées susceptible d’influencer les résultats obtenus lors d’une requête.
Ces dispositions ont pour but de renforcer la confiance du consommateur en ces outils afin de lui permettre de les utiliser en meilleure connaissance de cause.
De la régulation des plateformes de location de logements entre particuliers type « Airbnb »
La loi réglemente l’activité des plateformes de location de logements entre particuliers de type « Airbnb ». Les nouvelles mesures obligeront les bailleurs à faire une déclaration préalable auprès de la commune du logement.
Quant aux plateformes elles-mêmes, elles devront veiller à ce que les logements qu’elles référencent ne soient pas loués plus de 120 jours par an. Au-delà de cette durée, elles ne pourront plus proposer ce logement à la location.
3. LE CONTROLE DES DONNEES PERSONNELLES
La loi consacre également de nouveaux droits en matière de données personnelles.
Du droit de récupérer ses données, de la maitrise de l’usage des emails privés et du droit à l’oubli
En premier lieu, le consommateur dispose en toutes circonstances d’un droit de récupération de ses données. Ce droit lui permet de récupérer l’ensemble des données le concernant et accessibles depuis un compte qu’il aurait souscrit en ligne. Ses données doivent pouvoir être récupérées et exploitées par un système de traitement automatisé pour permettre notamment plus facilement un changement d’opérateur.
En deuxième lieu, la loi renforce la confidentialité des correspondances privées. Elle précise que ce principe protège le contenu d’une correspondance, l’intitulé des messages mais également les pièces qui y sont jointes. Ces dispositions entendent par exemple remédier à la pratique consistant à analyser le contenu des emails échangés grâce à une messagerie en ligne en vue de commercialiser une offre.
Enfin, la loi consacre le droit à l’oubli au profit du mineur. Plus précisément, les dispositions nouvelles autorisent une personne qui était mineure à l’époque où des données l’identifiant ont été collectées à en demander l’effacement. Dans la mesure où la personne responsable de la collecte de ces données a pu les transférer à des tiers, la loi l’oblige à prendre toutes les dispositions lui permettant d’informer ces derniers de la demande d’effacement.
4. L’EQUITE
De l’accès au maintien de la connexion au numérique pour tous
La loi prévoit notamment la couverture mobile, l’accessibilité aux services numériques publics et l’accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites internet.
Ces dispositions obligeront par exemple les services d’accueil téléphonique à fournir sans surcoût aux personnes atteintes d’un handicap visuel ou auditif, un service de traduction simultanée, écrite et visuelle, pour les appels passés et reçus.
Il prévoit aussi le maintien de la connexion internet pour les personnes les plus démunies. Ainsi, dans le cas où un ménage ne parviendrait pas à régler une facture adressée par son fournisseur d’accès à Internet, l’accès devra être maintenu jusqu’à ce que le Fonds de solidarité pour le logement statue sur la demande d’aide financière du ménage. Ce dispositif était déjà existant en matière de fourniture d’électricité, d’eau, de gaz et de téléphonie fixe.
De la protection des chevaliers blancs numériques
Les citoyens détectant les failles des systèmes informatiques, appelés les « hackers blancs », sont vivement incités à révéler ces failles à l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information, sans encourir de risque pénal pour cette action.
De la répression du revenge porn
Enfin, des modifications du Code pénal viennent réprimer de fortes peines d’amende et d’emprisonnement le fait de diffuser des images à caractère sexuel portant sur une personne sans son accord, lorsqu’elles portent atteinte à son intimité. Il s’agit notamment de remédier à la pratique du « revenge porn » qui consiste à partager sur un réseau social une vidéo ou une photo prise d’une personne dans un contexte sexuel par vengeance.