Lorsque, en 1554, Adam de Craponne lance les travaux de la concession du canal du même nom, il inaugure l’ère brillante de la concession qui va permettre à la France de se doter d’infrastructures performantes. Moderne avant les autres, notre pays a pourtant du mal à accepter une autre forme de financement privé des équipements publics : celle dans laquelle l’administration rémunère l’entrepreneur tout au long du contrat, formule qu’on appelle en général partenariat public-privé (PPP). A l’inverse, partant de rien, les Anglais ont su imposer leur modèle de « PFI » au monde entier.
Les PPP sont pourtant un instrument intelligent, moderne et efficace de l’investissement public.
Ce sont des contrats globaux qui envisagent la vie de l’infrastructure sur le long terme : faire dialoguer l’architecte, le constructeur et le mainteneur assure le meilleur rapport qualité-prix. L’alternative : des bâtiments superbes au début mais peu fonctionnels, mal entretenus, ruinés au bout de quelques années, comme tant de bâtiments publics en donnent l’exemple.
D’ailleurs, le PPP assure le transfert de la maîtrise d’ouvrage au privé, et c’est essentiel : c’est le privé qui va arbitrer entre les différents intervenants, tenir les coûts et les délais. L’alternative : la Philharmonie de Paris.
Face à ces vertus, les critiques faites au PPP sont peu convaincantes.
Le financement bancaire n’est pas plus onéreux : par le mécanisme de la cession Dailly acceptée, les coûts du financement sont voisins de ceux d’un prêt qui serait consenti directement à la personne publique. La liberté des architectes n’est pas bafouée : les plus grands noms de l’architecture ont signé des PPP. Il est vrai que l’intérêt d’une profession rémunérée en pourcentage des travaux est sans doute mieux servi par les dérives de prix généralement observées en marchés publics. La dépense publique serait rigidifiée : le serait-elle moins par un emprunt qu’il faudrait contracter pour construire l’équipement souhaité ? Les PME seraient écartées : mais elles récoltent pourtant un pourcentage considérable de travaux sous-traités.
Hélas, les vraies critiques sont rarement formulées et les vrais risques rarement dénoncés. Ils sont que l’administration ne se dote pas toujours des compétences spécifiques nécessaires pour la passation, mais surtout pour l’exécution du contrat : des déconvenues sont à prévoir. Et puis tous les projets ne s’y prêtent pas : bien des projets de réhabilitation gagneraient à être effectués en marchés traditionnels. Il faut également, comme les Anglais dans leur récente réforme, s’interroger sur la pertinence de prestations de maintenance ou de services sur trente ans.
Absence d’analyse objective, mépris pour les faits, vision idéologique, crainte de l’innovation, notamment juridique : les critiques contre le PPP sont l’un des aspects du mal français. Espérons que le gouvernement saisira l’opportunité de la réforme en cours pour relancer cet outil moderne et intelligent de l’investissement public.