La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales adopte l’idée générale posée par la Conférence de consensus selon laquelle les peines subies en dehors de la prison doivent être développées aux dépens de l’incarcération qui peut accroître la dangerosité du condamné. La loi se garde cependant de suivre intégralement les recommandations pratiques du jury de la Conférence de consensus : elle écarte l’instauration d’une libération conditionnelle « d’office » quand les deux tiers de la peine privative de liberté ont été subis, et l’abolition de la rétention et de la surveillance de sûreté est remise à plus tard.
En revanche, le texte encourage les juges à réduire le recours à l’emprisonnement correctionnel et aggrave corrélativement des peines subies en milieu libre, en créant la déjà célèbre contrainte pénale.
Les prévenus reconnus coupables de délits punis d’emprisonnement éviteront plus facilement l’incarcération et ceux qui le subissent sortiront plus aisément de la prison. L’évitement de cette peine est favorisé par la nécessité d’une motivation spéciale, même quand le prévenu est récidiviste, par l’abolition des peines-plancher, naguère destinées aux mêmes délinquants, et par le caractère facultatif de la révocation du sursis simple en cas de nouvelle condamnation.
Si néanmoins la privation de liberté a été prononcée, les juges de l’application des peines ont l’obligation de considérer la possibilité d’un élargissement de tous les condamnés qui ont subi les deux tiers de leur peine et sont encore détenus. Et encore ces procédures ne constituent que des sessions de rattrapage puisque désormais, tous les détenus, récidivistes ou non, ont vocation à bénéficier d’une libération conditionnelle quand ils ont subi la moitié de leur peine.
Les récidivistes et non-récidivistes sont pareillement égaux devant l’octroi des crédits de réductions de peines et les réductions de peine supplémentaires, lesquelles peuvent être plus rapidement accordées.
La réglementation de la suspension pour raison médicale de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale est modifiée dans un sens favorable aux condamnés. Il suffit qu’une seule expertise médicale, et non plus deux, constatent l’incompatibilité de leur état avec la détention et il n’est plus nécessaire que le pronostic vital du détenu soit engagé, de sorte que les maladies mentales peuvent elles aussi être une cause de suspension.
En contrepartie, mais toujours à la discrétion des magistrats, les peines subies en milieu libre sont plus sévères. Les condamnés sont plus étroitement surveillés par la gendarmerie et par la police; la durée maximale du travail d’intérêt général est relevée de 210 à 280 heures.
Enfin et surtout est créée la contrainte judiciaire qui consiste en l’application de nombreuses interdictions et obligations subies en milieu libre et qui sont celles du sursis avec mise à l’épreuve ; la juridiction de jugement ou le juge de l’application des peines peuvent même les aggraver en y ajoutant le travail d’intérêt général et l’injonction de soins. Comparée au sursis probatoire, la contrainte ne comporte pour le condamné qu’un seul avantage : en cas d’inobservation de ces mesures, il n’encourra jamais plus de deux ans d’emprisonnement. Mais s’il les observe scrupuleusement, sa condamnation ne sera pas réputée non avenue comme elle l’est à l’issue d’un sursis réussi.
La contrainte pénale est une peine que le juge peut, discrétionnairement, substituer, ou non, à un emprisonnement égal ou inférieur à cinq ans (dix ans à partir du 1er janvier 2017). Mais cette sanction n’est pas érigée en peine principale encourue, prévue pour réprimer, à la place de l’emprisonnement, quelques rares délits tels que le vol simple, la filouterie ou les destructions et dégradations. La possibilité de cette éventuelle audace législative fera l’objet, dans deux ans, d’un rapport gouvernemental.
Quoique inspirée par des doutes quant à l’efficacité de l’emprisonnement, la loi du 15 août 2014 n’est donc pas faite pour affaiblir la répression pénale. Si le législateur désire en effet diminuer la population carcérale, il s’en remet à la sagesse des magistrats pour prononcer des libérations, assorties de mesures privatives de droit plus rigoureuses qu’auparavant.