La mutation des fonctions juridiques d’entreprise se poursuit aussi silencieusement qu’inexorablement.
Si plusieurs facteurs sont de nature à expliquer cette transformation, il en est un déterminant, le «driving factor» comme disent les anglo-saxons, celui du coût.
La bataille de la compétitivité que livrent les entreprises n’est certes pas nouvelle ; ce qui est récent, c’est l’extension systématique de la poursuite des gains de productivité au sein de l’entreprise à toutes les fonctions dites support, y inclus la fonction juridique. Toutes les directions juridiques doivent désormais satisfaire à l’exercice budgétaire «challengé».
En réponse, celles-ci ont dû s’outiller, définir le périmètre de la fonction, établir, suivre et consolider des budgets, choisir leurs indicateurs de performance, les incontournables KPI, bref savoir ce qu’elles coûtent et justifier ces coûts face aux «cost-killers» maison.
Ainsi, grâce à la magie des chiffres, une sorte de révolution silencieuse s’est mise en marche. Le responsable de la fonction juridique dans l’entreprise a dû apprendre à connaître la décomposition précise du coût complet de ses ressources internes, tout comme le montant des honoraires, total, annuel, facturé par l’ensemble des ressources juridiques externes.
Cet exercice, d’apparence rébarbatif s’est révélé plus riche d’enseignements qu’escompté.
L’exercice budgétaire est en effet apparu comme une clé de la compréhension de l’organisation de l’ensemble des expertises juridiques constitutives de la fonction. Sous la pression des chiffres, celle-ci a dû se concevoir comme un tout cohérent. Ainsi, les budgets parlent. Au-delà des chiffres, ils donnent par la consolidation des données par ligne de dépense une perception de la fluidité ou de la complexité de l’organisation de l’entreprise sur l’entièreté de son périmètre et, corollairement, la manière dont se décline l’ensemble de sa fonction juridique.
Poser la question du coût des ressources internes et externes et de leur relation conduit à poser la question de leur contenu, de leur complémentarité et de leur valeur ajoutée respectifs.
Ainsi, le manager de la fonction juridique, dans le cadre des contraintes budgétaires de son entreprise, doit s’engager dans l’exercice du choix des expertises juridiques permanentes internes comparées aux expertises complémentaires externes en regard de leur coût et de leur valeur pour l’entreprise. Agir sur les ressources externes, les plus coûteuses, conduit mécaniquement à monter en gamme sur la dimension qualitative des ressources internes.
S’il s’est ainsi armé pour démontrer l’efficience des choix de son organisation et la pertinence des coûts qui en résultent, le manager de la fonction juridique aura les moyens de justifier, si nécessaire, un accroissement de son budget et de ses ressources au bénéfice de la place du droit et de l’intérêt général.
Pierre Charreton