Le gouvernement s’est fixé comme objectif, avec le projet de loi Macron, de libérer la croissance et l’investissement. A première vue, pour l’atteindre, il a fait le choix du libéralisme économique (travail du dimanche, dérégulation du transport par autocars, des auto-écoles, des professions réglementées du droit, etc.).
Mais à y regarder de plus près, ce texte ne fixe aucun cap à la boussole « concurrence ». Comment prétendre « libérer » la croissance quand le gouvernement retire du projet de loi les dispositions visant à libéraliser le secteur des pharmacies ou encore celles créant les avocats en entreprise ? Et que penser des atermoiements du gouvernement au sujet des autoroutes ou du conflit entre les taxis et les VTC, alors que l’Autorité de la concurrence a clairement montré les directions dans lesquelles il faut aller ? Que dire aussi de la réunion, au sein de la SNCF, des infrastructures ferroviaires et de l’exploitation des services de transport ferroviaire, alors que là encore l’Autorité de la concurrence avait fait part de ses fortes réserves, réitérées dans un avis du 6 janvier 2015 ?
Si la boussole « concurrence » perd le nord, c’est parce que son cap, tel que fixé par les pouvoirs publics, change au gré des influences corporatistes du moment. L’Autorité de la concurrence, pour sa part, est elle-même sujette à des contradictions. D’un côté, elle prône un libéralisme économique au nom de la protection du consommateur. De l’autre, elle bénéficiera, avec le nouveau pouvoir d’injonction structurelle que lui conférera la future loi Macron, du droit (qu’elle a appelé de ses voeux) de contrôler les prix et les marges de la grande distribution, sans avoir à constater un abus ; pourtant, aucun lien n’est établi entre le degré de concentration du marché de détail (plus de 50 % selon le texte) et le bien-être du consommateur.
Ces changements incessants troublent la lisibilité des politiques économiques, au risque de décourager l’investissement et l’implantation en France, ce que Bruxelles pourrait ne pas tolérer. Ne faudrait-il pas finalement se doter d’une véritable boussole fixant un cap sur les enjeux du XXIe siècle ? Un pacte économique donnant une direction à suivre ? Le Préambule de la Constitution de 1946, repris dans le Préambule de la Constitution de 1958 et partie intégrante du bloc de constitutionnalité, « proclame (…) comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ». Il ne dit pourtant pas un mot de la liberté d’entreprendre, principe qui n’a été adopté ni par le législateur, ni par voie de référendum, et qui ne figure dans notre bloc de constitutionnalité qu’au titre d’une décision du Conseil constitutionnel de 1982…
Il serait grand temps que la Constitution tienne compte des nouvelles réalités économiques.