Le 1er avril 2019 devrait être le premier jour ouvré de l’Union européenne sans le Royaume-Uni. Les parties à un contrat soumis aux juridictions anglaises ne devraient plus pouvoir faire exécuter de plein droit et sans délai dans l’un des Etats membres de l’UE une décision judiciaire rendue outre-Manche. En France, comme dans la plupart des Etats membres, une exéquatur sera nécessaire. Délais et incertitudes dans l’exécution risquent de remplacer la célérité et la sécurité qui contribuent à l’attrait de Londres comme centre de règlement des litiges internationaux et financiers. common law
La place financière et judiciaire de Paris s’est mobilisée pour répondre aux besoins des agents économiques qui opèrent sur un plan transnational.
Un rapport du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, soutenu par une contribution de la Cour de cassation, a montré que la procédure civile française dispose des outils pour résoudre des litiges selon les standards qui font le succès des juridictions londoniennes. Le droit processuel français permet en effet (i) de trancher un litige dans un droit étranger, (ii) de conduire la procédure dans une langue étrangère, (iii) d’organiser une recherche de preuves se rapprochant, sans ses excès, de la disclosure anglaise, (iv) d’entendre contradictoirement des experts et des témoins, (v) de mettre en place une procédure resserrée, (vi) d’organiser en cours de procédure une médiation, (vii) de consacrer le temps nécessaire à l’examen en audience des éléments de fait et de droit.
Les meilleures règles et pratiques de procédure ont cependant (encore) besoin de juges pour les mettre en œuvre.
Certes, il existe au Tribunal de commerce de Paris une chambre composée de professionnels spécialistes du commerce international, des matières premières, des produits financiers et même d’ingénieurs ayant dirigé des projets d’infrastructures. De même, la Cour d’appel de Paris est riche de magistrats professionnels experts dans des domaines complexes qui, comme le suggère le HCJP, pourraient être formés en common law et bénéficier d’assistants spécialisés.
Les enjeux méritent-ils plus d’audace ? L’attrait des juridictions parisiennes serait-il plus fort si elles s’enrichissaient de juges formés dès l’origine au droit dans lequel la majorité des contrats internationaux et financiers sont construits et mis en œuvre ? Est-il possible de recruter des juges ayant une expertise reconnue en common law ?
Ce recrutement est possible. Au Tribunal de commerce, les multinationales qui ont un établissement à Paris peuvent présenter aux élections consulaires des juristes de common law qui ont la nationalité française et qui ont occupé pendant 5 ans des fonctions de direction juridique. La Cour d’appel et la Cour de cassation peuvent recruter sur dossier des juristes de common law s’ils ont la nationalité française et qu’ils « justifient de quinze années au moins d’exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ». A la Cour d’appel, ils siègeraient comme conseiller sous la présidence de magistrats de carrière française. A la Cour de cassation, ils siègeraient comme conseiller référendaire avec voix consultative.
La jurisprudence née des échanges entre juges français de common law et civilistes pourrait alors être la meilleure ambassadrice du dynamisme de la place judiciaire de Paris.
Olivier Diaz, Avocat à la cour – Skadden Arps et Expert du Club des juristes
Valentin Autret, Counsel – Skadden Arps