Le Président de l’Autorité de la concurrence a récemment déclaré que l’année 2014 avait été un « cru exceptionnel » en matière de sanctions avec sept décisions adoptées pour un montant total de plus d’un milliard d’euros d’amende infligé aux entreprises.
A l’instar de la Commission européenne, depuis 2011, l’Autorité française s’est dotée de lignes directrices afin de permettre aux entreprises « de mieux comprendre comment sont fixées les sanctions pécuniaires ». Certains redoutaient que ce texte entraîne mécaniquement une augmentation des sanctions prononcées mais les démonstrations chiffrées manquent encore, malgré le niveau des sanctions infligées.
Il est certain en revanche que leur prévisibilité reste à améliorer. Ce manque de prévisibilité est sans doute le fruit de certains particularismes du droit français de la concurrence, au premier rang desquels le concept de dommage à l’économie et la marge de manœuvre que se réserve l’Autorité lorsqu’elle applique ce concept. Dans ses lignes directrices, si l’Autorité rappelle que le dommage à l’économie ne se présume pas, elle indique qu’elle n’est pas tenue de le chiffrer précisément. Résultat, un concept fourre-tout qui lui permet d’adapter à sa discrétion le montant de base de la sanction, à la hausse ou à la baisse.
L’Autorité a également pris soin de souligner qu’elle n’est pas obligée de suivre systématiquement ses lignes directrices, ce qu’elle a fait dans la décision dite des volailles du 5 mai dernier. Cette décision est empreinte d’une réelle clémence quand on la compare à des affaires similaires dans lesquelles d’autres entreprises se sont vues infliger un traitement moins avantageux.
Ce manque de prévisibilité a un effet boomerang pour l’Autorité car les recours contre ses décisions sont fréquents. En 2014, six des sept décisions de sanction ont fait l’objet d’un recours et cette tendance semble se confirmer pour l’année 2015. Il impacte également l’objectif poursuivi par l’Autorité d’accélérer le traitement des affaires. En effet, les recours sont parfois introduits par des entreprises ayant recouru à la procédure de non contestation des griefs – qui permet à l’Autorité de rendre une décision plus rapidement car l’entreprise renonce notamment à contester la matérialité des faits et leur qualification juridique en échange d’une réduction de sa sanction -, faisant ainsi perdre de son intérêt à cette procédure.
A l’avenir, malgré certaines imperfections, la loi Macron devrait permettre d’éviter la multiplication des recours en instaurant une procédure de transaction, proche de celle déjà en vigueur au niveau européen. Dans ce cadre, les entreprises pourront négocier avec l’Autorité, à l’avance, le montant de la sanction infligée en contrepartie de leur renonciation à contester les faits reprochés. Les mauvaises surprises devraient donc être évitées.