Pour qui s’intéresserait ces temps-ci au droit au respect de la vie privée des hommes politiques, la cour d’appel de Paris a rendu, le 19 décembre dernier, un arrêt éclairant. L’affaire portait sur la publication d’un livre révélant l’homosexualité de deux membres d’un parti politique, dont l’un en était le secrétaire général tandis que l’autre n’était que simple conseiller régional.
La cour d’appel de Paris, après avoir souligné que les faits n’avaient jamais été portés à la connaissance du public par les deux personnes visées, que leur vie de couple n’était connue que d’un petit cercle d’initiés mais restait ignorée de la population, a considéré que leur révélation portait gravement atteinte à l’un des aspects les plus intimes de leur vie privée.
A s’en tenir là, la condamnation semblait acquise. Mais la cour devait ajouter que « le droit au respect de l’intimité de la vie privée peut se heurter aux droitx d’information du public et de liberté d’expression garantis par l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’homme », et qu’il revient au juge « de dégager un équilibre entre ces droits antagonistes qui ne sont ni absolus, ni hiérarchisés entre eux, étant d’égale valeur dans une société démocratique ».
Une telle conciliation avec le droit à l’information ne saurait, en soi, surprendre : elle suit la jurisprudence de la CEDH (aff. Von Hannover, 24 juin 2004), comme celle de la Cour de cassation, qui a eu l’occasion de dire que l’incartade d’une personne publique pouvait constituer un événement d’actualité dont un hebdomadaire pouvait légitimement rendre compte, s’il n’extrapole pas les faits (Cour de cassation, 23 avril 2003).
Mais sa mise en oeuvre, au cas d’espèce, semblera pour le moins souple. Soulignant que l’orientation sexuelle du secrétaire général du parti pouvait apporter une contribution à un débat d’intérêt général, dans le contexte d’un fort clivage entre la gauche et la droite à l’occasion de la loi relative au mariage des personnes de même sexe, les juges ont considéré que le droit au public à être informé de son homosexualité devait « primer sur le droit au respect de ce pan de sa vie privée ». En revanche, cela ne saurait être le cas pour son concubin, dont la faible notoriété ne justifiait par l’information du public.
Bref, deux critères sont ici expressément posés : la notoriété de la personne en cause et l’utilité, pour le débat public dans une société démocratique, de la révélation faite. Le premier critère peut aisément s’apprécier. Mais le deuxième…