Comment pérenniser les mesures mises en place dans le cadre de la pandémie virale pour simplifier la vie des entreprises ?
Soucieuses de la protection de leurs salariés, actionnaires et dirigeants, les entreprises françaises ont su, dans un délai très court, repenser leur organisation et s’adapter aux règles de distanciation sociale imposées par l’épidémie de Covid-19. Malgré le confinement, elles ont pu continuer à prendre les décisions nécessaires à la poursuite de leur activité grâce aux outils numériques et aux évolutions législatives venues parfois en réglementer l’usage. Souvent élaborées dans l’urgence, ces mesures doivent désormais être pérennisées au profit d’entreprises plus résilientes.
Il en est ainsi du télétravail qui s’est naturellement imposé aux employeurs et salariés. Alors qu’il était jusque-là principalement pratiqué par des cadres, 25% des salariés français, toutes catégories confondues, travaillaient à distance au plus fort de la crise sanitaire. Rendu possible par le code du travail (art. L. 1222-11), ce recours massif et impromptu au télétravail fragilise toutefois la sécurité juridique de l’entreprise, a fortiori depuis la levée de l’état d’urgence sanitaire le 10 juillet 2020. La poursuite de l’activité à distance pose, en effet, de nombreuses questions : doit-on formaliser l’accord du télétravailleur, l’indemniser des frais engagés pour travailler à domicile ? Comment décompter son temps de travail, assurer son droit à la déconnexion ? Les dispositions lacunaires du code du travail, renvoyant à la détermination de règles collectives dans l’entreprise, interagissent avec les dispositions de l’accord national interprofessionnel de 2005 sans apporter de réponses claires. Le risque est alors d’observer un arrêt brutal de cette forme d’activité qui présente, pourtant, de multiples avantages : amélioration de la qualité de vie au travail (meilleur équilibre vie familiale et vie professionnelle), désenclavement de certains territoires (en facilitant l’accès au marché du travail de leur population) et impact environnemental positif (réduction globale des émissions de gaz à effet de serre). Déjà le ministère du Travail indique que seulement 10% des salariés télétravaillaient encore en juillet et août 2020… Souhaitons donc que les discussions engagées par les partenaires sociaux aboutissent à des conclusions encourageant un développement sécurisé du télétravail, ce qui nous permettrait de rejoindre nos voisins précurseurs du Nord et de l’Est de l’Europe.
L’état d’urgence sanitaire, en limitant les rassemblements, est aussi venu perturber l’organisation des assemblées générales, instances éminemment importantes dans la vie d’une société, en particulier dans celle d’une société anonyme. Alors que le printemps est traditionnellement le temps de l’approbation par les actionnaires des comptes sociaux, lesquels, dans les SA doivent être entérinés dans les six mois de la clôture de l’exercice comptable, beaucoup de sociétés se sont retrouvées dans l’impasse. Certaines étaient prêtes à relever ce défi, leurs statuts prévoyant la possibilité de réunir les actionnaires par conférence téléphonique ou visioconférence ; les autres, dont les statuts étaient silencieux voire opposés à cette solution, n’ont pu rendre des comptes à leurs actionnaires que grâce aux dispositions de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 les autorisant, jusqu’au 30 novembre 2020 (mesures reconduites par un décret du 29 juillet), à organiser des assemblées générales à huis clos. Il leur a alors été possible d’en digitaliser intégralement la tenue, de la convocation aux votes, en passant par la mise à disposition de la documentation et des résolutions dès lors que l’identification des membres participant était garantie et l’ensemble du dispositif sécurisé. Des règles identiques ont également permis aux organes de direction (conseil d’administration, de surveillance) de poursuivre leur mission en se réunissant par audio ou visioconférence.
S’il faut espérer que la situation sanitaire ne nécessite pas une extension de ces mesures, elles incitent à réfléchir, à l’invitation du Gouvernement, sur l’opportunité de pérenniser des dispositifs qui, parce qu’ils permettent aux entreprises de s’adapter aux nécessités collectives ou à des demandes individuelles, font que la distance qui les sépare de leurs parties prenantes n’est plus un obstacle à la continuité de l’activité.
Par Didier Kling, Président de la CCI Paris Île-de-France