A défaut de réinventer le travail, la mission Combrexelle réinvente le droit du travail. Non pas tant sur le fond que sur la méthode. Évitant les demi-mesures, elle laisse l’accord d’entreprise déterminer les règles, dans la limite d’un ordre public conventionnel de branche. Elle affirme, lorsque l’emploi est en cause, l’autorité de la norme collective majoritaire sur le contrat individuel de travail. Elle veut tenir compte des spécificités du tissu entrepreneurial français, composé à plus de 90 % de TPE, en simplifiant la conclusion d’un accord dans ces entreprises, le plus souvent dépourvues d’interlocuteurs syndicaux.
Partant, la mission Combrexelle retient un nouveau paradigme : la contractualisation avancée du droit du travail. Cantonnant le législateur à son rôle premier de définition des principes fondamentaux, elle transfère aux partenaires sociaux, dans les branches et les entreprises, la production normative. Ce faisant, la classique pyramide de la hiérarchie des normes de Kelsen, déjà largement ébranlée au fil des réformes, des lois Auroux à la loi Macron, est écartée. Tendant à concilier protection des salariés et efficacité économique, intérêt individuel et intérêt collectif, la démarche procède du pragmatisme : le sacro-saint ordre public de protection, dont le principe de faveur était la clef de voûte, cède définitivement le pas devant le sens rénové de la réglementation sociale, désormais outil de la compétitivité des entreprises.
Malgré tout, la réussite de ce choix mature ne coule pas de source. D’abord, parce que le politique devra prendre la juste mesure de la délimitation légale d’un ordre public absolu. A n’en pas douter, la question de l’inclusion de la durée légale du travail se posera… La même logique devra guider les partenaires sociaux dans le bornage de l’ordre public de branche, sans recours excessif aux clauses de verrouillage. Ensuite, parce que les organisations syndicales représentatives, fortes de leur légitimité électorale et du caractère majoritaire des accords, devront endosser la responsabilité d’une négociation d’entreprise plus exigeante ; faute de quoi, l’application par défaut de dispositions légales ou conventionnelles de branche tuera dans l’œuf la réforme. Egalement, parce que chaque salarié devra être en mesure d’accepter, au nom de l’intérêt collectif défendu par leurs représentants syndicaux, une part de renoncement à leurs droits issus du contrat individuel de travail sans que la collectivité ait à en supporter le coût ; il en va de l’essence même de la démocratie sociale. Enfin, parce que la réforme n’aura de sens que si elle profite directement aux TPE / PME : des accords-types validés par référendum suffiront-ils à y redonner du souffle au dialogue social ?
Restera à réécrire le Code du travail et de citer Descartes : « Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien ».
Anne Outin-Adam et Marc Canaple