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Délégation

Les effets d’une délégation de pouvoirs valable

Certains chefs d’entreprise prétendent aujourd’hui que le fait de consentir une délégation de pouvoirs ne suffirait pas à les exonérer de toute responsabilité pénale et que les juridictions répressives du fond auraient tendance à sanctionner, pour les mêmes faits, à la fois les chefs délégants et les salariés délégataires. Néanmoins, il est permis de s’interroger sur le bien-fondé de ces arguments.

Tout d’abord, on doit rappeler que, dans le silence du nouveau Code pénal, la chambre criminelle a généralisé, par les arrêts du 11 mars 1993 (n° 91-80.598, n° 92-80.773, n° 91-83.655, n° 91-80.958 et n° 90-84.931), le domaine d’application de la délégation de pouvoirs, tout en prenant soin d’en déterminer les conditions de validité requises du préposé délégataire, qui doit être « pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires » pour veiller efficacement au respect de la réglementation.

Puis, la Haute juridiction a progressivement fourni des précisions, tendant à expliciter tel ou tel critère, et dégagé des règles en instaurant ainsi le propre régime de la délégation de pouvoirs.

Un examen attentif de la jurisprudence fait apparaître que, avant d’accorder une délégation, le chef d’entreprise doit apprécier les compétences de son délégataire et tenir compte de ses expériences professionnelles. Le critère de compétence n’est donc pas rempli, dès lors qu’une délégation de pouvoirs est consentie à un salarié le jour même de son embauche. De même, le jeune âge et le peu d’ancienneté du préposé dans l’entreprise peuvent conduire le juge pénal à refuser tout effet exonératoire à une délégation de pouvoirs accordée audit préposé. Il est évident que dans l’hypothèse où le délégant conteste les capacités du salarié titulaire d’une délégation, celle-ci peut être considérée comme non effective. La délégation doit aussi être acceptée par le préposé délégataire (Cass. crim., 23 mai 2007, n° 06-87.590 Bull. crim. 2007, n° 138) qui doit avoir compris que, dans le domaine considéré, il est susceptible d’être poursuivi en cas de manquement.

Quant au chef d’entreprise délégant, il a été décidé que, dès lors que la loi met à sa charge certaines obligations parce qu’il est le mandataire social ou le responsable des activités de la société, il ne peut valablement se décharger de ses missions sur un salarié. Il s’agit d’obligations qui lui sont « personnelles », telles que celles liées au fonctionnement de la vie sociale ou celles relevant du domaine du droit syndical (par exemple, la consultation du comité d’entreprise). La jurisprudence considère, par ailleurs, que lorsque le chef d’entreprise continue à conserver le contrôle réel du respect par l’entreprise de ses obligations dans le secteur pour lequel une délégation de pouvoirs a été consentie, cette intervention a pour conséquence de vider ladite délégation de son contenu et de la rendre totalement inefficace. Et il en est de même dans l’hypothèse où le chef d’entreprise consent une délégation à plusieurs personnes pour l’exécution d’un même travail, un tel cumul étant « de nature à restreindre l’autorité et à entraver les initiatives de chacun des prétendus délégataires ».

Il s’ensuit donc que le chef d’entreprise doit tenir compte de ces solutions jurisprudentielles, afin que la délégation accordée soit régulière et valable. Si tel est le cas, seule la responsabilité pénale du préposé pourra être engagée. Comme la jurisprudence l’a clairement affirmé, le même manquement ne peut être retenu à la fois à l’encontre du subordonné délégataire et du chef d’entreprise délégant (Cass. crim., 14 mars 2006, n° 05-85.889 : Bull. crim. 2006, n° 75). Il n’en serait différemment que si deux fautes de nature différente pouvaient être reprochées au chef d’entreprise et à son délégué.

Enfin, les juridictions répressives font, de manière systématique, entrer dans la notion de « représentant » de la personne morale, au sens de l’article 121-2 du Code pénal, le salarié délégataire. Si ce dernier commet donc un manquement aux règles qu’il était tenu de faire respecter, il engage, en dehors de sa propre responsabilité pénale, celle de la personne morale.

Sans aucun doute, la jurisprudence attache des effets non négligeables à toute délégation ayant satisfait aux critères de validité qu’elle a imposés.

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Haritini Matsopoulou

Haritini Matsopoulou

Professeur de Droit à l'Université Paris Sud (Paris XI)
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