Dans une décision du 14 mars 2014, la Commission des sanctions de l’AMF a mis hors de cause un investisseur qui était poursuivi pour manipulation de cours au titre de ses activités de marché dites de day trading.
Favorisé par le développement des marchés boursiers électroniques qui permettent la robotisation de la passation des ordres de bourse, le Day Trading est une technique d’investissement très agressive. Il s’agit de faire des achats-ventes dans la journée sur des volumes conséquents. Les positions acheteuses ou vendeuses sont systématiquement clôturées avant la fermeture du marché.
L’objectif est donc de réaliser des plus-values sur de faibles écarts de cours pendant une séance de bourse, en multipliant les transactions. Le day trader est une sorte d’actionnaire intérimaire, puisqu’à la fin de la journée ses positions sont soldées.
Le day trader profite de la volatilité des marchés qui maximise les opportunités de plus-values. Mais il alimente sans doute aussi cette volatilité, car il favorise l’inflation des transactions boursières avec les effets de suivisme des investisseurs, ce qui amplifie les mouvements de marché.
La régulation des opérateurs procédant à des allers-retours rapides, fréquents et massifs sur des valeurs cotées est une priorité pour les autorités de marché depuis quelques années. L’ESMA, dans ses orientations du 24 février 2012 a pointé du doigt les opérations visant à la création d’un mouvement de prix. Les carnets d’ordres électroniques qui sont alimentés directement par les traders font l’objet d’une surveillance de plus en plus efficace. Dans le collimateur, l’entrée d’ordres destinés à lancer ou exacerber une tendance de marché pour inciter d’autres acteurs à accélérer ou élargir cette tendance, afin de créer une opportunité d’écart de cours.
Il y a suspicion de manipulation de cours si les ordres ont un caractère agressif par leur niveau de prix et/ou leur volume, et qu’ils donnent lieu à un renversement rapide de position, c’est à dire au sein de la même séance de bourse, à une alternance de positions acheteuses et vendeuses par un même opérateur, voire les deux simultanément.
Pour autant une telle activité qui consiste à spéculer à très court terme en multipliant les négociations sur le marché n’est pas forcément répréhensible.
En appréciant dans leur globalité les transactions suspectées de constituer une manipulation de cours dans l’affaire qu’elle a jugée, la Commission des sanctions a posé quelques critères essentiels qui permettent de distinguer la spéculation licite de la manipulation illicite.
Tout d’abord, si les ordres passés, même s’ils favorisent, voire génèrent la tendance de marché, sont exécutés en tout ou partie et non annulés quasi systématiquement, la manipulation doit être écartée. Un ordre exécuté rencontre une contrepartie, il correspond à une véritable transaction entre un acheteur et un vendeur, donc il participe à la formation d’un prix de marché. Le marché fonctionne alors normalement et l’opérateur de day trading est bien en risque, même si ce risque est de courte durée.
Il y a manœuvre du trader lorsqu’il inscrit un ordre dans le carnet avec l’intention de l’annuler avant sa réalisation. Un ordre passé avec l’intention de l’annuler avant son exécution est un ordre fictif. S’il provoque une accumulation d’ordres à sa suite dans le carnet d’ordres, il fausse le fonctionnement normal du marché en délivrant une tendance trompeuse sur ce que sera le prix d’équilibre entre l’offre et la demande. La manipulation consiste donc à passer des ordres sans l’intention de les maintenir pour qu’ils soient exécutés, mais seulement pour qu’ils suscitent d’autres ordres suiveurs qui eux seront exécutés et imprimerons la tendance de marché voulue et les écarts de cours recherchés.
La Commission des sanctions procède dans sa décision du 14 mars dernier à une distinction parfaitement judicieuse entre le fait de s’inscrire dans une tendance de marché en réalisant de véritables transactions, ce qui peut conduire également à l’alimenter, et le fait de créer artificiellement une tendance de marché par des ordres qu’il faut considérer comme fictifs. C’est ici que se situe la distinction entre spéculation et manipulation.
La spéculation intra day participe à la liquidité du marché, il ne faut donc pas sanctionner l’objectif parfaitement licite de profiter des tendances de marché. En revanche créer une tendance en alimentant les carnets d’ordres d’instructions fictives est strictement prohibé, car il n’y a pas de place pour le bluff dans la formation du prix d’équilibre.