Crypto-actifs – émergence d’un cadre européen pour la finance numérique
Le 10 octobre dernier, le Parlement européen a adopté la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les marchés de crypto-actifs, dite MiCA, issue d’une série de mesures relatives à la finance numérique en Europe adoptée en septembre 2020 par la Commission européenne. Cette proposition poursuit quatre objectifs généraux : la sécurité juridique, le soutien à l’innovation, la protection des consommateurs, des investisseurs et de l’intégrité du marché et la stabilité financière. Elle vise à remplacer les cadres nationaux existants à cet égard, dont celui introduit en France par la loi PACTE du 22 mai 2019, afin de mettre un terme à la fragmentation du marché européen, source de complexité et de coûts pour les entreprises concernées.
Quelles principales mesures ? A titre liminaire, MiCA s’applique aux crypto-actifs qui ne font pas encore l’objet d’une réglementation européenne comme c’est le cas des instruments financiers. MiCA vise en particulier à encadrer au niveau européen les crypto-actifs – qui ne sont assimilables ni à une monnaie électronique ni à des instruments financiers – à travers trois axes principaux : l’émission et l’admission aux négociations de crypto-actifs, l’agrément et la surveillance des prestataires de services sur crypto-actifs et la prévention des abus de marché.
En substance et sauf exceptions prévues par le texte, l’émetteur à l’origine d’une offre au public ou d’une admission aux négociations de jetons dits « utilitaires » devra notifier au préalable à l’autorité compétente de son Etat membre d’origine un document d’information normé appelé « livre blanc ». Par ailleurs, si ce type d’opérations porte sur des « jetons se référant à des actifs » ou des « jetons de monnaie électronique », tout en dépassant certains seuils, elles nécessiteront un agrément préalable de cette autorité.
Du côté des prestataires de services sur crypto-actifs, la fourniture des services suivants en Europe nécessitera un agrément préalable, valable sur l’ensemble du territoire de l’Union : conservation de crypto-actifs pour compte de tiers, exploitation d’une plate-forme de négociation de crypto-actifs, échange de crypto-actifs contre de la monnaie ayant cours légal ou d’autres crypto-actifs, exécution d’ordres pour le compte de tiers, placement de crypto-actifs, réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers et conseil en crypto-actifs. Seront ainsi imposées à ces prestataires d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle, d’instaurer des garanties prudentielles, des exigences organisationnelles, des règles relatives à la conservation des crypto-actifs et des fonds des clients, l’obligation de mettre en place une procédure de traitement des réclamations, des règles sur les conflits d’intérêts et des règles relatives à l’externalisation.
Enfin, MiCA établit des interdictions et des exigences visant à prévenir les abus de marché impliquant des crypto-actifs, en s’inspirant des règles applicables en matière boursière et notamment du règlement relatif aux abus de marché n°596-2014, dit MAR. On retrouve ainsi la définition de l’information privilégiée ainsi que la nécessité pour les émetteurs de crypto-actifs de les rendre publiques dès que possible, la divulgation illicite de telles informations, l’interdiction des opérations d’initiés et les manipulations de marché. Cependant, à la différence de MAR, les émetteurs de crypto-actifs échappent, pour l’heure, à l’obligation de produire des listes d’initiés ou aux déclarations par les dirigeants des opérations qu’ils réalisent sur des crypto-actifs de sociétés au sein desquelles ils exercent leurs fonctions.
Etat d’avancement – À la suite de son adoption par le Parlement européen le 10 octobre 2022, MiCA devrait prochainement être publié au Journal officiel de l’Union européenne. L’entrée en application s’effectuera entre 12 et 18 mois selon la situation des différents acteurs concernés, étant précisé que les prestataires de services sur crypto-actifs enregistrés ou agréés auprès d’un régulateur de l’Union européenne bénéficieront d’une période transitoire de 18 mois suivant l’entrée en application du Règlement.