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Concurrence

Vers une modernisation de notre droit économique

Quelles seraient, trente ans après le texte fondateur du 1er décembre 1986, les orientations d’une modernisation du droit la concurrence ?

Le constat de près d’un tiers de siècle d’application est incontestablement positif. Les objectifs visés en 1986 étaient d’instaurer la liberté des prix et de mettre en œuvre un nouveau droit de la concurrence assurant la transparence du marché par des règles durables, harmonisées avec celles du Traité de Rome. Dans l’ensemble le pari a été tenu. Le mécanisme juridique créé par l’ordonnance a constitué un cadre permettant le développement d’une économie de marché libérée, il s’est intégré dans la politique de concurrence de l’Union européenne, a survécu à la mondialisation et aux crises successives, s’est conformé aux standards internationaux et a pris sa place dans le réseau de coopération mondial des autorités de la concurrence.

Toutefois d’un point de vue prospectif, compte tenu de l’évolution du contexte économique et tel qu’il a été modifié depuis 1986, notre droit de la concurrence serait à réformer afin de promouvoir une économie plus compétitive, stimulante pour les acteurs économiques et porteuse d’un nouvel élan pour notre société. Il s’agirait, dans cette perspective d’améliorer l’efficacité des institutions de mise en œuvre du droit de la concurrence, de mieux prendre en compte l’analyse économique, de recentrer nos règles sur les objectifs de la politique de la concurrence, de parfaire leur harmonisation avec le droit européen et de s’adapter à la révolution numérique.

Améliorer l’efficacité des institutions administratives et judiciaires de mise en œuvre du droit de la concurrence consisterait d’abord – et avant tout – à revenir à des délais de traitement des affaires compatibles avec les nécessités de la vie économique. C’est aussi resserrer le collège de l’Autorité, améliorer sa cohésion par recours à des membres à plein temps, renforcer leur qualification économique et juridique ainsi que celle des juges ayant à connaître de ce contentieux. Ce serait simplifier le régime des recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence entre les juridictions judiciaires et administratives.

Mieux prendre en compte l’analyse économique supposerait de renforcer l’indépendance et l’influence du chef économiste de l’Autorité en lui permettant d’intervenir, indépendamment des services d’instruction, auprès du collège. Ce serait aussi doter les chambres spécialisées de la cour d’appel de Paris d’économistes assistants et créer un corps d’experts judiciaires spécialisés. Ce renforcement de la qualification des juridictions est d’autant plus indispensable que la directive européenne dite « Dommage », du 26 novembre 2014, entend faire de l’application du droit de la concurrence par les juridictions un instrument de la politique de concurrence d’égale importance à celle de sa mise en œuvre par la sphère publique.

Recentrer nos règles sur les objectifs du droit de la concurrence conduirait à supprimer les multiples dispositions résultant des nombreuses lois modifiant le dispositif de 1986 qui poursuivent des objectifs éloignés de la promotion de la libre concurrence et de la défense du bien-être du consommateur et parfois même sont en contradiction avec eux. Il en va ainsi du Titre IV, du Livre IV du Code de commerce, dont les dispositions seraient à revoir à partir de l’objectif spécifique d’assurer la loyauté des pratiques commerciales dans les contrats de distribution.

Parfaire l’harmonisation européenne afin de satisfaire l’obligation de convergence imposant, depuis 2003, un alignement des règles en matière de pratiques anticoncurrentielles exigerait, en droit antitrust, de supprimer les différences conceptuelles, réglementaires et même les quelques incompatibilités qui persistent ou qui ont été introduites depuis 1986, entre notre droit et le droit de la concurrence de l’Union européenne. La révision des seuils de notification des concentrations permettrait, dans le cadre d’une réflexion européenne d’améliorer l’efficacité de notre dispositif et d’éviter des conflits de droit. Enfin, si la révolution numérique n’impose pas de remise en cause fondamentale des textes, les innovations de rupture qu’elle provoque dans l’activité économique imposent l’adaptation des modèles d’analyse des marchés et de mesure des atteintes à la concurrence.

Intervenant au moment crucial où le législateur s’engage dans une modernisation de l’économie, où l’Autorité de la concurrence envisage de modifier sa propre pratique et où sera à transposer une importante directive européenne visant à renforcer l’efficacité des règles de concurrence, la libre réflexion du groupe d’experts réunis par le Club des juristes a pour ambition de contribuer au débat ouvert sur la modernisation de notre droit économique.

Par Frédéric Jenny, Professeur d’économie à l’INSEEC Business School et Membre du Club des juristes
et Guy Canivet, Président du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP)

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Frédéric Jenny

Frédéric Jenny

Professeur émérite d'économie à l'Essec
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