Le 30 octobre 2016, après deux semaines de négociations effrénées avec le Parlement wallon, l’Union Européenne et le Canada ont signé le CETA (Accord économique et commercial global). La route a été longue depuis avril 2009, date de l’ouverture des négociations, qui se sont conclues en juillet 2016 par la proposition de la Commission européenne au Conseil de l’Union européenne visant à autoriser la signature du CETA, à le déclarer provisoirement applicable jusqu’à ce que les procédures nécessaires à sa conclusion soient terminées et à le ratifier. Or, de juillet à fin octobre, certains États membres ainsi que le Parlement wallon ont remis en question la compétence de l’UE à procéder à une application provisoire du traité.
L’UE a toujours eu une compétence exclusive sur la politique commerciale commune de l’Union. Le Traité de Lisbonne avait ajouté les services et les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle ainsi que l’investissement direct étranger aux compétences de la politique commerciale commune. Cette évolution de la politique commerciale commune a soulevé des questions de fond : les accords de libre-échange ne concernant que des affaires commerciales relèvent-ils de la compétence exclusive de l’UE ? Ou, au contraire, l’UE et les États membres partagent-ils cette compétence et il s’agit alors d’accords « mixtes » ? La Commission européenne et les États membres ont à ce sujet une opinion très différente. Selon la jurisprudence de l’UE, la compétence en matière de commerce extérieur découle d’une compétence explicite sur le plan interne. La « mixité » de l’accord de libre-échange entre l’UE et Singapour, et celle de ce type d’accords en général, est actuellement soumise au contrôle de la Cour de justice de l’UE. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé que le CETA soit signé et conclu sous la forme d’un traité « mixte ». Cela signifie qu’il doit être signé par l’UE et les États membres et ratifié par les parlements nationaux et régionaux concernés.
Or, la Cour constitutionnelle allemande a récemment statué que l’application provisoire du CETA ne pouvait pas inclure les domaines de compétence nationale. Elle a également jugé que le gouvernement allemand devra s’assurer que l’Allemagne peut se retirer unilatéralement de l’application provisoire du CETA si cet accord est déclaré incompatible avec la Constitution allemande.
Le CETA devrait être appliqué à titre provisoire en 2017 dans l’attente de sa ratification par tous les États membres. Afin de se démarquer des précédents traités, un certain nombre de domaines qui couvrent les compétences « partagées » ont été retirés de son application provisoire. Les interrogations quant aux compétences « partagées » d’un accord de libre-échange pèsent lourdement sur le poids de l’UE en tant que négociateur commercial. Limiter le champ d’application provisoire des accords commerciaux affaiblit finalement la compétence exclusive de l’UE en matière de politique commerciale commune.
Lourdes Catrain, Associée, Hogan Lovells Bruxelles
Partenaire du Club des juristes