La reconnaissance du secret des affaires pour la production de documents dans le cadre de l’arbitrage international
Comme mode privilégié de résolution des litiges internationaux, l’arbitrage international se trouve à la croisée des chemins entre plusieurs traditions juridiques. Une richesse qui peut parfois soulever un certain nombre de questions, notamment en matière de preuve où l’on concilie souvent la tradition de Common Law, habituée aux procédures de discovery, et l’approche civiliste, attachée au système de contentieux inquisitorial.
La procédure d’arbitrage se distingue donc du contentieux classique en ce qu’elle peut permettre une phase de production de documents. À cette occasion, chaque partie va formuler des demandes de documents à la partie adverse, auxquelles l’autre partie pourra répondre soit en produisant des documents sur une base volontaire, soit en s’opposant à la requête de documents. En cas d’opposition, c’est au tribunal arbitral qu’il reviendra de statuer sur les objections.
Concrètement, cela signifie que selon le droit applicable ou la nationalité des arbitres, la production de documents peut s’effectuer de façon très disparate. Le risque est alors qu’une partie à l’arbitrage se retrouve en situation de devoir divulguer à son adversaire des informations sensibles, y compris celles pouvant être réutilisées ultérieurement à des fins commerciales.
Au nombre des outils permettant de se prémunir contre une telle éventualité, on compte l’article 9(2)(e) des règles sur l’administration de la preuve dans l’arbitrage international de l’International Bar Association (IBA) relatif à la confidentialité commerciale, mais également, depuis plus récemment, la loi de transposition n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.
Cette évolution législative est la bienvenue dans la mesure où les règles de l’IBA ne sont contraignantes qu’à condition que les parties ou le tribunal arbitral le décident et ne contiennent, en tout état de cause, pas de définition précise du secret des affaires. Avec la reconnaissance du secret des affaires, les parties à une procédure faisant application du droit français pourront invoquer la définition fournie par l’article L.151-1 du Code de commerce. Selon cet article, sont protégées les informations qui ne sont pas généralement connues ou aisément accessibles ; qui revêtent une valeur commerciale effective ou potentielle ; et qui font l’objet de la part de leur détenteur légitime, de mesures de protection raisonnables pour en conserver le caractère secret.
Concrètement, cela signifie qu’un tribunal arbitral pourra, le cas échéant, s’appuyer sur cette disposition pour reconnaitre la confidentialité de documents à caractère sensible, permettant ainsi aux parties de protéger des informations commerciales stratégiques lors de la phase de production de documents.
A l’image d’un certain nombre de droits concurrents, le droit français se dote ainsi d’outils permettant de répondre aux attentes des acteurs économiques du commerce international.
Par Melissa Ordonez (Counsel) et Thibaud Roujou de Boubée (Collaborateur) du cabinet Hogan Lovells (Paris) LLP, partenaire du Club des juristes.