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Jurisprudence de l’AMF, le monopole de la Commission des sanctions

Cumulant le pouvoir de réglementer, d’autoriser, de contrôler et de sanctionner, la tentation de l’AMF est de faire un tout de ses prérogatives comme source de droit. C’est une véritable œuvre de pédagogie normative qu’elle revendique en donnant un caractère universel à toutes ses décisions, qu’elle présente comme sa jurisprudence.

C’est ainsi que la frontière entre la doctrine administrative et la jurisprudence de l’AMF se superposent et s’entremêlent (Principes d’organisation et de publication de la doctrine de l’AMF, 2 février 2018).
La décision de sanction est néanmoins la seule source de jurisprudence de l’AMF. La motivation des décisions de la Commission des sanctions permet souvent de découvrir ce que la lecture des dispositions légales et réglementaires ne révèle pas de manière évidente.
Mais depuis la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, la composition administrative a été instaurée comme alternative à l’ouverture d’une procédure devant la Commission des sanctions. Cette transaction était initialement limitée aux manquements des professionnels, elle a vu son champ d’application étendu aux abus de marché par la loi du 21 juin 2016. Désormais, l’ensemble des manquements susceptibles d’être sanctionnés peuvent donner lieu à une alternative négociée.

Rappelons qu’en application de l’article 621-15 du Code monétaire et financier, le Collège de l’AMF peut décider d’ouvrir une procédure de sanction administrative. Pour ce faire, il notifie des griefs à la personne mise en cause. En parallèle, il peut adresser à ce dernier une proposition d’entrée en voie de composition administrative (article 621-14-1 du Code monétaire et financier). Si le mis en cause accepte cette alternative, l’accord transactionnel passé avec le Secrétaire général de l’AMF doit être validé par le Collège, puis homologué par la Commission des sanctions.

L’AMF est très favorable à la transaction. Elle loue sa rapidité et souligne son efficacité « pédagogique ». Les accords sont publiés, et la position de l’autorité sur les manquements constatés, même si elle ne vaut pas reconnaissance de culpabilité, fait autorité. L’AMF n’hésite pas, au demeurant, à se référer à des compositions administratives pour illustrer la façon dont il faut appliquer les normes. L’arrêt du Conseil d’Etat du 20 mars 2020 (CE, ass., 20 mars 2020, Président de l’Autorité des marchés financiers et société Arkéa Direct Bank, req. n° 422186 ) vient de poser une barrière sérieuse à une telle pratique.

Cet arrêt rappelle la rigueur de la séparation des pouvoirs entre le Collège et la Commission des sanctions. Pour résumer, la jurisprudence est le domaine réservé de la Commission des sanctions qui a le monopole de l’interprétation des textes.
Dans l’espèce jugée, un accord avait été conclu entre le Secrétaire général de l’AMF et la société mise en cause, lequel avait été validé par le Collège. Toutefois, la Commission des sanctions a refusé de l’homologuer. Le Président de l’AMF a saisi le Conseil d’État aux fins d’annulation de cette décision de refus d’homologation.

Selon le Conseil d’État, la Commission des sanctions « peut légalement fonder son refus d’homologuer une composition administrative sur la circonstance que, eu égard aux textes applicables et aux circonstances de fait, les griefs notifiés soulèvent une question qui, par sa nouveauté et sa difficulté, justifie, au regard notamment de l’exigence de prévisibilité de l’application des normes régissant l’activité des professionnels concernés, qu’elle soit expressément tranchée à l’issue d’une procédure contradictoire menée devant la commission des sanctions. »

Seule une décision au fond rendue à l’issue d’une procédure contradictoire, plutôt que par la simple homologation d’un accord, permet de préciser les obligations qui pèsent sur les personnes soumises à la régulation financière, afin d’en assurer la clarté et la prévisibilité, mais surtout d’entrainer l’effet normatif qui s’attache à la jurisprudence en tant que source du droit.
A bien y regarder toutefois, nombre d’accords de composition administrative publiés depuis près de 10 ans n’ont pas porté que sur des interprétations simples de la norme.

Par Frédéric Peltier, avocat Peltier Juvigny Marpeau & Associés, expert du Club des juristes.

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Frédéric Peltier

Frédéric Peltier

Avocat à la Cour, Peltier Juvigny Marpeau & Associés
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