Face à la crise, un consensus s’est dégagé sur la nécessité de renforcer la réglementation applicable aux opérations financières. Pourtant, depuis l’origine de la COB (Commission des opérations de Bourse) en 1967, le régulateur des marchés financiers a été régulièrement critiqué pour la prolifération de sa production normative.
Outre l’empilement de textes règlementaires, le régulateur a développé une doctrine consistant à définir des critères d’application de ses normes au fil du temps, sous la forme de positions ou de recommandations. Ces textes de formes disparates ont été publiés, soit dans le bulletin mensuel ou le rapport annuel de la COB puis de l’AMF (Autorité des marchés financiers), soit à l’occasion de colloques ou de rapports.
La doctrine est le seul moyen efficace dont dispose l’AMF pour anticiper ou coller aux évolutions du marché qui sont rapides. Ainsi, lors de l’examen d’un projet d’opération boursière, les émetteurs peuvent se voir opposer une position de l’AMF issue de sa doctrine. Il s’agit alors de dépasser la lettre de la règle pour en appliquer l’esprit.
Toutefois, au fur et à mesure des années, plus personne, y compris au sein de l’AMF, n’était capable de sérier de manière précise le contenu des multiples interprétations des règles composant le corpus de normes applicables à la matière boursière.
Pouvoir discrétionnaire
La lisibilité et la prévisibilité de la réglementation financière ainsi filtrée par la doctrine du régulateur boursier apparaît, disparaît ou réapparait au fil du temps dans les relations entre les émetteurs et l’autorité. Cette situation est vécue comme l’empreinte d’un pouvoir discrétionnaire du régulateur boursier.
En décembre 2010, l’AMF a annoncé les principes d’organisation et de publication de sa doctrine. C’est dans le cadre de son plan stratégique, que l’autorité administrative indépendante a engagé une réflexion visant à clarifier le champ et la portée de sa doctrine, ainsi qu’à structurer son processus d’élaboration et de mise à jour.
Cette réflexion s’est rapidement concrétisée. Depuis la fin de l’année dernière, l’AMF procède à la codification de sa doctrine, sous le contrôle du Collège, en attribuant un numéro chronologique à chacun de ses textes à portée normative.
Positions, recommandations, pratiques de marché admises sont désormais regroupées selon un plan thématique cohérent avec celui du règlement général de l’AMF. Ces textes sont aisément consultables sur le site de l’autorité.
Tri sélectif
Voilà pour le présent et pour l’avenir, mais qu’en est-t-il de la doctrine ancienne ? Elle sera également codifiée. La tâche s’annonce cependant fastidieuse pour les personnes chargées de ce chantier. Un simple coup de plumeau sur le stock de doctrine dont l’empilement n’a pas facilité la cohérence n’y suffira pas. Le tri sélectif est de rigueur.
Ce travail d’introspection de l’AMF sur sa doctrine facilitera grandement la compréhension et la prévisibilité réglementaires. Il est donc d’intérêt général.
La codification de la doctrine de l’AMF doit être salué, ainsi que la volonté exprimée par l’institution d’éviter à l’avenir « une trop grande profusion de supports, susceptibles de nuire à la lisibilité des sa doctrine ». Face à la tendance inflationniste normative qui ne semble pas devoir s’infléchir, la codification de la doctrine de l’AMF devrait donc permettre de mettre fin à la stratification occulte de règles élaborées au gré des circonstances.