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35 heures ? Mais encore ?

Et revient le débat sur nos 35 heures, fort marqueur politique en interne mais aussi dans les comparaisons internationales. Or cet étalon-temps de la productivité et de la rémunération d’un travailleur manuel est de moins en moins pertinent, pour deux raisons.

Tout d’abord, en contrepartie de cette réduction du temps de travail, la loi de janvier 2000 a élargi les portes de la flexibilité négociée avec l’annualisation faisant disparaître, grâce à la compensation entre les pics et les creux d’activité, les majorations salariales. Mais elle a surtout accompli un grand bond vers le monde de demain avec la création du forfait-jours pour les collaborateurs autonomes : aveu qu’on ne sait plus mesurer leur durée de travail.

Ensuite, avec l’arrivée des portables, la summa divisio temps de travail/temps de repos est en train de se dissoudre pour deux cadres sur trois, le travail exporté hors l’entreprise représentant un quart de leur temps de travail : « Au bureau, je ne fais que réagir. A la maison, je peux enfin travailler tranquille ! » Comme le constate l’accord interprofessionnel du 19 juin 2013 sur le bien-être au travail : « Selon les situations et les individus, ces évolutions sont perçues comme des marges de manoeuvre libérant de certaines contraintes ou comme une intrusion du travail dans la vie privée. » Certes, « un salarié n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail » (CS, 2 octobre 2001) et la loi du 22 mars 2012 légalisant le télétravail a imposé un double volontariat.

Mais l’immense majorité des collaborateurs travaillant à leur domicile ne le font pas dans ce cadre légal, bien qu’il s’agisse « d’un travail effectué hors des locaux professionnels, de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de la communication » (L. 1222-9 du Code du travail). Mais cette subordination technologique est-elle imposée par l’employeur ? Fortement suggérée, les objectifs fixés étant ce qu’ils sont ? Souvent. Mais il est aussi des salariés passionnés, en rien contraints de le faire.

Always on ? A quel prix personnel et familial ? Burn-out, risques psycho-sociaux : l’intérêt de l’entreprise est d’employer des collaborateurs qui marchent sur leurs deux pieds, et qui ne se déconnectent pas de leurs proches en se connectant au « cloud » professionnel. Solution : un droit à la déconnexion, conventionnellement négocié.

Jean-Emmanuel Ray

Jean-Emmanuel Ray

Professeur émérite de l'Ecole de Droit de la Sorbonne
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