La Commission Environnement du Club des juristes, présidée par Yann Aguila, vient de publier son rapport intitulé « Renforcer l’efficacité du droit international de l’environnement – Devoirs des Etats, droits des individus ».
A la veille de la Conférence de Paris de décembre 2015, la COP21[1], les négociateurs se mobilisent pour adopter un nouvel accord international sur le changement climatique. Le rapport de la Commission environnement du Club des juristes démontre que pour protéger l’environnement, les normes doivent donc être adoptées à l’échelle internationale : la crise écologique ne s’arrête pas aux frontières des États. Les territoires écologiques ont des périmètres différents des territoires du droit national.
Le droit international de l’environnement est, selon les experts en environnement du Club des juristes, marqué par un double échec : inefficacité du processus d’élaboration des normes, en raison de la lenteur, voire de la paralysie des négociations ; difficultés au stade de l’application, en l’absence de mécanismes de contrôle et de sanction efficaces.
Pour rendre plus effectif le droit international de l’environnement, le rapport du Club des juristes propose que la société civile s’en empare. Le respect des traités par les États doit devenir l’affaire de tous les citoyens, afin que le droit à un environnement sain, aujourd’hui consacré par de nombreuses constitutions nationales, soit respecté.
Les experts de la Commission environnement du Club des juristes ont donc, avec cet objectif, formulé trois types de garanties :
- L’élaboration des normes internationales : les garanties procédurales
En pratique, la société civile joue un rôle important dans les négociations environnementales. Lors de la Conférence de Rio de 1992, plus de 20 000 représentants d’ONG étaient présents. Lors de la COP21, des espaces spécifiques sont réservés aux acteurs non-étatiques : ONG, entreprises ou collectivités territoriales.
Toutefois le droit est en retard sur cette réalité. Certes, le principe de participation du public est consacré par certains textes internationaux, tels que la Convention d’Aarhus, mais uniquement, et paradoxalement, pour l’élaboration des normes internes. En outre, la participation de la société civile est inégale selon les enceintes internationales.
L’exigence de démocratie participative doit être transposée à l’échelle internationale. La Commission environnement estime qu’une institutionnalisation du rôle de la société civile permettrait de faire perdurer et renforcer ce type d’initiatives, en leur donnant plus de légitimité. Elle propose donc de :
- Mettre en œuvre une initiative citoyenne et un droit de pétition universel auprès des institutions internationales
- Adopter une convention internationale relative à la participation du public dans l’élaboration du droit international de l’environnement s’inspirant des lignes directrices d’Almaty. Celle-ci pourrait regrouper et préciser les principes fondamentaux dans ce domaine : participation du public, droit d’accès aux informations détenues par les organisations internationales, ou encore règles d’accréditation des ONG.
- L’application des normes internationales : les garanties juridictionnelles
Selon la Commission environnement, l’existence de mécanismes de contrôle et de sanction efficaces est une condition indispensable de l’effectivité de la règle. Il n’est pas de droit sans contrainte. Plusieurs organes sont à même de connaître du respect par un État de ses engagements environnementaux au niveau international, mais de nombreux problèmes subsistent.
- Il existe parfois au sein des conventions environnementales des comités de contrôle, à caractère non juridictionnel, qui disposent de pouvoirs limités. Des améliorations sont possibles :
– La saisine de ces instances, quasi-exclusivement réservée aux États, devrait être généralisée aux ONG, sur le modèle de la Convention d’Aarhus.
– La Conférence de Paris offre une excellente occasion de construire une nouvelle procédure de non-respect plus transparente et plus ouverte.
- La justice internationale reste facultative et devant les juridictions internationales, les acteurs non-étatiques ne sont pas recevables à agir. La France est d’ailleurs au nombre des États qui n’acceptent pas la compétence obligatoire de la Cour internationale de Justice, ce qui est particulièrement regrettable dans le cas du pays organisateur de la COP21.
– La compétence obligatoire de la Cour internationale de justice devrait être reconnue par les grands États.
– Un droit d’intervention, voire un véritable droit de saisine pourrait être consacré pour certaines catégories d’acteurs non gouvernementaux, afin de contrôler l’effectivité d’une convention environnementale.
– Les réflexions en cours sur la création d’une juridiction spécialisée en matière environnementale et d’une organisation mondiale de l’environnement doivent être poursuivies.
– Le juge national devrait s’ériger en juge international de droit commun pour devenir le premier garant du respect par l’État de ses engagements internationaux. Cette mission vient d’être illustrée de façon éclatante par le Tribunal de la Haye qui a condamné l’État néerlandais, dans une décision rendue le 24 juin 2015, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre sur le fondement de son devoir de protéger l’environnement.
– Un chapitre traitant spécifiquement de la question du droit au recours, et plus particulièrement de l’invocabilité de la convention devant les juridictions internes, devrait être intégré dans les conventions environnementales.
- Le contenu des normes internationales : les garanties textuelles
Le droit international de l’environnement se caractérise par une profusion de normes. On compte plus de 500 traités plus ou moins directement liés au domaine de l’environnement. L’amélioration de la qualité et de l’accessibilité de ces normes suppose un travail de recensement et de remise en ordre des conventions internationales environnementales. A terme, des regroupements pourraient être envisagés dans le cadre d’une codification.
Surtout, un texte universel à valeur obligatoire regroupant l’ensemble des principes fondateurs du droit international de l’environnement donnerait à ce dernier la pierre angulaire dont il a besoin. La commission propose donc l’adoption d’une Charte universelle de l’environnement, qui se distinguerait des déclarations existantes par sa valeur juridique obligatoire. Cette Charte viendrait compléter, unifier et fonder le droit international de l’environnement.
Ce texte contiendrait des droits matériels et procéduraux, et le contrôle du respect de ces droits serait assuré par la création d’un comité de suivi et l’insertion d’un chapitre consacré au droit de recours qui garantirait l’invocabilité de la Charte devant les juridictions internes.
Le droit international de l’environnement de demain reposerait alors sur le triptyque : Charte universelle, Cour internationale et Organisation mondiale de l’environnement. La Commission voit dans ce schéma la solution optimale pour renforcer l’efficacité du droit international de l’environnement et ainsi garantir aux individus le droit à un environnement sain.
[1] 21ème Conférence des Parties de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC).
Bilan de la COP21 : « l’accord de Paris est-il un succès ou un échec? » Visionnez la vidéo ici :