Le Club des juristes, premier think-tank juridique français, publie aujourd’hui un rapport intitulé « L’entreprise engagée face aux défis du XXIe siècle »
Ce rapport est le fruit des travaux d’une commission du Club des juristes présidée par Isabelle Kocher de Leyritz, Chairman & CEO de Blunomy et ancienne PDG d’Engie et rapporté par Béatrice Parance, Professeure agrégée à l’Université Paris-Dauphine PSL. Anne Stévignon, Docteur en droit et Juriste en est la secrétaire générale.
L’ENTREPRISE ENGAGÉE FACE AUX DÉFIS DU XXIe SIÈCLE
Dans un contexte où les crises climatiques, géopolitiques et sociales s’intensifient, le Club des Juristes interroge le rôle des entreprises face à ces nouveaux enjeux, au-delà de la simple conformité aux normes juridiques. Ce rapport nous appelle à faire évoluer la notion de responsabilité, d’une approche historiquement conçue comme une confirmation de conformité à des limites explicites, à une approche désormais conçue comme une attitude dynamique et tournée vers l’avenir.
Il invite à la construction d’un « droit de l’engagement », qui privilégie l’innovation et valorise les actions proactives pour répondre aux défis planétaires et sociétaux. Plus largement, il invite à repenser les ressorts du système, ses « règles du jeu », en partant du futur et non pas du passé.
REPENSER LA RESPONSABILITÉ COMME UN ENGAGEMENT PROACTIF
On assiste à un changement de paradigme. L’approche traditionnelle, fondée sur la conformité et limitée à une réparation individuelle et aléatoire des dommages, est jugée insuffisante face aux crises actuelles. Le succès de la transition repose largement sur la recherche permanente des meilleures solutions, au-delà des minima légaux, pour anticiper les enjeux sociaux et environnementaux.
Il apparaît essentiel d’évaluer autrement le degré de responsabilité des acteurs. À titre d’exemple, l’approche traditionnelle en matière de climat se concentre sur la quantité d’émissions de gaz à effet de serre. L’approche dynamique proposée élargit le regard sur la vitesse de diminution et les moyens qui y sont consacrés.
L’investissement à impact, aujourd’hui limité aux entreprises « déjà vertes »,incorporerait potentiellement les acteurs encore carbonés prenant le plus de risques pour transitionner rapidement.
Est ainsi prôné un droit de l’engagement. Cette notion encourage l’innovation et met en avant les entreprises les plus engagées dans la transition écologique et sociale. Contrairement au « droit des limites » actuel, qui contraint les moins avancées, ce nouveau cadre valorise les actions des entreprises les plus avant-gardistes. Cette logique peut servir de point de repère pour les travaux d’amélioration progressive de la CSRD et des textes européens récents.
LEADERSHIP ET GOUVERNANCE VISIONNAIRES
Transformation du travail des Conseils d’Administration : Au cours des dernières années, le temps passé par les conseils d’administration à vérifier que les pratiques de l’entreprise sont conformes aux règles en place a considérablement augmenté.
Le rapport propose que la première occupation du conseil d’administration soit de garantir la proactivité de l’entreprise vis à vis de la transition qui s’annonce, pour le bien à la fois du collectif et de l’entreprise elle-même, assumant les dilemmes que pose la transition et les choix de durabilité.
Le rôle des leaders est crucial : A l’inverse de la conformité, il est impossible de contraindre l’engagement. Le leadership joue un rôle premier, dans une acceptionnouvelle : faire émerger un cap pour le futur, une vision partagée et inspirante pour fédérer les parties prenantes (salariés, actionnaires, partenaires), afin de faciliter une transition efficace. Enseigner une autre notion de l’art de diriger est peut être le facteur le plus décisif pour l’avenir.
COOPÉRATION ET ALLIANCES TERRITORIALES
L’enjeu majeur pour les entreprises est de normaliser la coopération interentreprises dans la durée. À des processus d’achats massifiés et efficaces, mais qui installent des relations interentreprises de court terme, il faut substituer des relations de long terme qui permettent l’innovation conjointe et le partage des risques. Pour accompagner ce mouvement, les pouvoirs publics doivent créer des conditions favorables à la coopération entre entreprises, en définissant des caps technologiques clairs, en limitant les incertitudes et en donnant le maximum de visibilité.
Il est indispensable de faire émerger une représentation partagée d’un futur désirable : il n’y a pas de meilleur ciment à la coopération qu’une ambition commune. Cette vision comporte une dimension technologique, pertinente au niveau européen. Mais, c’est dans les territoires que la vision est la plus complète, qu’elle peut fédérer davantage et que les équilibres (vitesse de transition, emploi, utilisation des sols) peuvent être trouvés.
Mettre au cœur des politiques publiques la vision au moins autant que les plans d’action est une priorité. Cette innovation doit se faire de manière ascendante afin de renforcer le niveau local, conformément au principe de subsidiarité qui apparaît ici comme une priorité.
VERS UNE NOUVELLE MESURE DU SUCCÈS
Le rapport fait état d’une représentation rénovée de la performance de l’entreprise :
Vis-à-vis de la société : la vitesse de son mouvement de transition devient le meilleur proxy de son degré de contribution à la société. L’investissement responsable, aujourd’hui réduit à l’investissement dans des entreprises et infrastructures nativement vertes, se déploie massivement en soutien des entreprises les plus audacieuses dans leur transition.
Vis-à-vis des parties prenantes directes : l’évaluation de la valeur économique tient compte des besoins de transition auxquels elles font face, des risques que cela comporte, des besoins d’investissement correspondant pour les compenser, des opportunités de développement qui, symétriquement, se présentent pour les sociétés les mieux préparées.
Ces méthodologies sont déployées largement, des agences de notation « nouvelle génération » sont créées. L’Europe est le territoire clé pour déployer ce nouveau cadre de pensée.
Retrouvez ici le rapport ainsi que le dossier de presse.