L’attractivité du secteur de la profession d’avocat pour les femmes en question
« Si on ne les compte pas, les femmes ne comptent pas ». Voici le rappel fait par la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, lors d’un colloque à l’Assemblée nationale. À cet égard, la profession d’avocat se singularise en étant la seule, parmi les professions juridiques et judiciaires réglementées, à compter en son sein une majorité de femmes. Mais des inégalités fondées sur le genre y persistent et le rapport Haeri, remis au garde des Sceaux en février 2017, avait donné le ton « Elles se traduisent par au moins quatre phénomènes : des disparités de revenus, un mode d’exercice davantage orienté vers la collaboration, des discriminations, des départs plus nombreux de la profession ».
Pareil constat se trouve partagé par-delà nos frontières, au moins sur deux points. Sur l’accès aux plus hautes responsabilités d’abord : chez nos voisins allemands, les avocates n’y représentent que 5 à 15 % des associés au sein des cabinets interrégionaux. De même la National Association of Women Lawyers avait établi en 2014 que seules 17 % des avocates américaines étaient equity partner alors qu’elles représentaient 40 % des effectifs de la profession. Sur l’ancienneté dans la profession ensuite. Les femmes la quitteraient plus rapidement que les hommes : en moyenne, elles seraient 20 % à avoir posé la robe après 5 ans d’exercice, contre 7 ans pour les hommes.
Les chiffres apportés par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) permettent d’étayer ce diagnostic : « 76 % d’hommes ayant prêté serment en 1996 sont toujours avocats vingt ans plus tard, contre seulement 63 % des femmes […] Nous sommes arrivés à un point où les mentalités doivent absolument changer. La situation est désastreuse : 51 % d’écart de revenus entre femmes et hommes, 40 % d’avocates quittent la profession après 10 ans d’exercice, 24 % seulement deviennent associées en France » déplorait Marie-Aimée Peyron en 2019.
Ces disparités ne sont pas sans conséquences et cela devient un enjeu majeur des cabinets que de retenir ces talents.
Des initiatives concrètes au sein des cabinets d’avocats
Le souhait d’un rééquilibrage se trouve partagé de manière croissante par les avocats. Cela tient pour partie, et c’est heureux, à l’impulsion d’hommes souvent issus de la jeune génération, d’atteindre un meilleur équilibre de leurs vies professionnelle et personnelle. Équilibre d’autant plus nécessaire à l’aune d’une crise qui a précipité le basculement vers le télétravail. De manière générale, hommes et femmes expriment leur souhait d’œuvrer ensemble sur ces sujets : « 62 % des répondants hommes affirment vouloir s’engager dans de telles initiatives aux côtés des femmes » (Sondage DLA Piper Women in law, 8 mars 2017).
À ce terrain favorable, s’ajoutent des initiatives nécessaires. Parmi elles, des sessions de formation menées, notamment, auprès des managers sur le « management des biais inconscients », mais également sur la gestion en amont et en aval de la maternité des membres de l’équipe, ou sur la mise en place d’un comité de modération visant à tenir compte, en valorisant les compétences, de la parité dans la gestion des carrières et l’accès au leadership.
Dans un contexte d’implication croissante du Gouvernement
Le 18 janvier dernier, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, avait lui aussi affirmé sa volonté de « passer la vitesse supérieure » et d’instaurer des quotas pour qu’un plus grand nombre de femmes accèdent à des postes de direction dans les plus grandes entreprises françaises et avait encouragé à ce que soit déposée, dans la semaine du 15 mars, une proposition de loi sur le sujet.
Parallèlement, Élisabeth Moreno a annoncé la création d’un index de la diversité. Différent de l’index d’égalité professionnelle, il sera mis en place sur la base du volontariat et permettra aux entreprises françaises le désirant d’instaurer des actions correctrices améliorant le recrutement, les progressions de carrières et les formations, afin que ces processus soient plus diversifiés et inclusifs.
L’engagement politique sur ces sujets rejoint les initiatives de gouvernance menées par les cabinets et les entreprises. Pour les cabinets d’avocats en particulier, l’attention portée aux politiques encourageant la parité constitue un critère de sélection certain parmi leurs clients et prospects.
Par Xavier Norlain, avocat associé et co-managing partner, et Isabelle Eïd, counsel, DLA Piper France