Le renforcement actuel des dispositifs de contrôle des investissements étrangers à travers le monde, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, s’opère de plusieurs façons : extension du champ d’application du contrôle, allongement des délais de revue, abaissement du seuil de déclenchement du contrôle, durcissement des remèdes et des sanctions et amélioration du suivi des engagements pris par les investisseurs étrangers.
Les dispositions du projet de loi Pacte en matière de contrôle des investissements étrangers s’inscrivent dans cette tendance. Elles visent à rendre le dispositif français plus efficace, et à s’assurer du caractère contraignant des engagements pris par les investisseurs, en étendant les pouvoirs d’injonction du ministre de l’économie et en rendant les sanctions applicables plus dissuasives.
En l’état actuel de la législation, le ministre de l’économie dispose de pouvoirs relativement extrêmes : il peut bloquer l’opération ou, si elle a été réalisée, la modifier ou faire rétablir la situation antérieure. Demain, si le projet de loi est adopté, le ministre pourra agir avec plus de granularité et selon des moyens calibrés en fonction de la gravité du manquement commis par l’investisseur étranger et du niveau d’urgence de la situation.
Si une opération a été réalisée sans autorisation préalable, le ministre pourra, en complément de ses pouvoirs actuels, enjoindre à l’investisseur de déposer une demande. Si ce dernier ne respecte pas les conditions de l’autorisation, le ministre pourra retirer celle-ci (et donc imposer à l’investisseur de rétablir la situation antérieure ou de solliciter une nouvelle autorisation) ou enjoindre à l’investisseur de respecter les conditions initiales ou de nouvelles conditions qu’il fixera afin de remédier au manquement. Le ministre pourra donc, à son choix, décider de renégocier ou non avec l’investisseur. Il pourra prononcer ces injonctions sous astreinte.
Afin de prévenir les risques d’atteinte aux intérêts nationaux, le ministre de l’économie pourra également prendre des mesures conservatoires : suspension des droits de vote ou des distributions de dividendes pour une partie des actions détenues par l’investisseur étranger, désignation d’un mandataire pouvant faire obstacle à toute décision des organes sociaux de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux, et interdiction ou limitation des cessions d’actifs liés aux activités sensibles en France.
Le projet de loi Pacte prévoit que l’investisseur étranger pourra être soumis à des sanctions pécuniaires en cas de non-respect de l’exigence d’autorisation préalable, des conditions de l’autorisation ou des injonctions du ministre de l’économie. Le montant de l’amende ne pourra excéder la plus élevée des sommes suivantes : (i) le double du montant de l’investissement irrégulier, (ii) 10 % du chiffre d’affaires annuel de la société cible, et (iii) 1 million d’euros pour les personnes physiques et 5 millions d’euros pour les personnes morales. Le ministre sera donc en mesure d’appliquer des amendes importantes même si l’investissement a été réalisé à un prix peu élevé.
Par Pascal Bine, avocat associé du cabinet Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLP, partenaire du Club des juristes