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La Justice du TAS pendant les JO : au plus près des compétitions, des athlètes… et des questions géopolitiques et sociologiques par Carine Dupeyron, avocate aux barreaux de Paris et de New York, associée du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier

Alors que les amateurs de sport auront les yeux rivés sur les performances des athlètes du 26 juillet au 11 août prochain, certains arbitres seront, quant à eux, occupés à trancher les litiges découlant des Jeux Olympiques, dans un temps court destiné à préserver les compétitions. Depuis sa création en 1996 lors des Jeux Olympiques d’Atlanta, la Chambre ad hoc du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a pour mission de trancher de manière définitive, en conformité avec la Charte Olympique et dans un délai de 24 heures les litiges survenant pendant les Jeux.

C’est en tant qu’arbitre de cette Chambre ad hoc que je vivrai avec bonheur les Jeux de Paris 2024 : nous serons 12 arbitres généra- listes, et avec nous, 6 arbitres dédiés aux questions de dopage, tous désignés par le Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport (CIAS) parmi la liste générale des arbitres du TAS. Avec nous, un président pour chaque Chambre (ad hoc et anti-do- page), des co-présidents, le directeur et le greffe du TAS composent le système arbitral des Jeux. Lors des éditions de Londres, Rio et Tokyo, les Chambres ad hoc ont enregistré respectivement 11, 28 et 15 procédures. Ces sentences, toutes publiées, ont construit la jurisprudence sportive arbitrale. Le refus d’interférer avec les déci- sions prises sur le terrain par l’arbitre (‘field of play doctrine’) sauf en cas de fraude ou de corruption, a été consacrée dès les premiers Jeux de la Chambre ad hoc, à Atlanta (1996). L’on se souviendra des procédures initiées lors des Jeux Olympiques de Rio (2016) à la suite de la décision du Comité International Olympique (CIO) d’interdire à plus d’une centaine d’athlètes russes de participer aux Jeux après la révélation en juillet 2016 du système de dopage d’État mis en place par la Russie. À Tokyo (2020), la Chambre ad hoc a décidé de la légalité des règles d’accréditation émises par le CIO, revu l’application des critères d’éligibilité des athlètes, refusé de revoir une décision d’arbitrage lors d’un match de boxe, et a été saisie de l’exclusion d’un athlète biélorusse, en fuite, par son Comité national olympique.

Alors, en ce début du mois de juillet 2024, qu’attendre de la justice des Jeux Olympiques 2024 ?
Comme cela fut le cas dans le passé, le contexte géopolitique et sociologique jouera sans doute un rôle dans les recours qui seront examinés par la Chambre ad hoc. La guerre en Ukraine a d’ores et déjà conduit le CIO à n’autoriser la participation des athlètes russes et biélorusses qu’en tant qu’« athlètes individuels neutres » et à condition qu’ils n’aient, entre autres, pas activement soutenus la guerre ou été sous contrat avec l’armée russe ou bélarussienne. Cette décision, fondée sur la résolution des Nations Unies A/ RES/78/10 sur la trêve olympique pour les Jeux de Paris 2024, qui rappelle l’autonomie du sport et la neutralité politique du CIO, principes inscrits dans la Charte olympique, pourrait être contes- tée. Le conflit en Palestine et les vives réactions internationales y afférentes, pourraient s’inviter également aux Jeux. Les arbitres pour- raient se pencher sur la nouvelle Règle 40 de la Charte Olympique, qui prévoit que les athlètes jouissent de la liberté d’expression, en conjonction avec la Règle 50(2) de cette même Charte, prohibant toute démonstration ou propagande politique, religieuse ou raciale sur un site olympique.

Sur des questions sociétales, les arbitres auront-ils devant eux des athlètes dont les qualifications pourraient dépendre de l’application du règlement de la Fédération mondiale d’athlétisme sur les diffé- rences dans le développement sexuel, règlement dont la conformité à la Convention EDH est aujourd’hui portée par l’athlète Casper Semenya devant la grande chambre de la Cour EDH ? Plus généra- lement, les questions du genre et de la protection du sport féminin ont été régulièrement soulevées dans des compétitions hors Jeux Olympiques : ce ne serait pas une surprise si elles étaient abordées aussi lors de Paris 2024.

Les arbitres s’y dédieront en tout cas, démontrant que le droit et l’arbitrage amènent aussi à « faire les Jeux ».c

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