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Débat Du Club Des Juristes

Débat du Club des juristes « Entreprise et Médiation : la fin d’un malentendu ? »

Le Club des juristes a organisé, le 13 mars 2019, un débat sur le thème « Entreprise et Médiation : la fin d’un malentendu ? » à l’occasion de la sortie du rapport réalisé par la Commission Médiation (Médiation et Entreprise. L’opportunité de l’autodétermination : une liberté créatrice de valeur).

Ce débat a été mené par Pierre Servan-Schreiber, Président de la Commission Médiation du Club des juristes et du CMAP, avocat aux barreaux de Paris et de New York, Médiateur agréé auprès du CEDR (Londres), CPR (New York), CiArb (Londres), CMAP (Paris) et auprès de la cour d’appel de Paris.

Il réunissait :

  • Soraya Amrani-Mekki, Membre de la Commission Médiation du Club des juristes et du CMAP, Agrégée des facultés de droit, Professeure à l’Université Paris Nanterre, Directrice de l’axe Justice judiciaire, amiable et numérique du CEDCACE, Codirectrice du diplôme universitaire Modes amiables de résolution des différends ;
  • Pierre Charreton, Membre de la Commission Médiation du Club des juristes et du CMAP, médiateur accrédité auprès du CMAP, Conseil en management des fonctions juridiques de l’entreprise, Président d’honneur de l’AFJE ;
  • Guillaume Forbin, Membre de la Commission Médiation du Club des juristes et du CMAP, Avocat au Barreau de Paris et Médiateur, Cabinet Altana ;
  • Sophie Henry, Membre de la Commission Médiation du Club des juristes et du CMAP, Déléguée générale du CMAP, Vice-Présidente de la Fédération des centres d’arbitrage, Vice-présidente du Comité Médiation de l’IBA et Membre du bureau de l’AMCT (Association des Médiateurs des Collectivités territoriales).

Le débat s’est ouvert sur une présentation des travaux de la Commission Médiation par son Président, Pierre Servan-Schreiber.

La Commission Médiation a souhaité s’éloigner d’une démarche devenue courante et consistant à décrire les atouts de la médiation pour privilégier une analyse des obstacles qui entravent son développement dans le monde des affaires. Son utilisation demeure en effet paradoxalement modeste alors qu’elle présente de nombreuses qualités pour les entreprises (rapide, peu chère, confidentielle, sécurisée et surtout efficace) et que l’autodétermination laissée aux parties dans le processus de médiation est indéniablement créatrice de valeur.

Grâce à une quarantaine d’auditions de professionnels du monde de l’entreprise et du droit, la Commission Médiation a décelé plusieurs freins, pour certains nouveaux et parfois profonds. Quelques propositions et une définition de la médiation sont présentées pour participer à la levée des obstacles et à la promotion de ce mode de résolution des différends très favorable aux acteurs économiques.

Guillaume Forbin a évoqué un premier frein au développement de la médiation : la polysémie. Le terme de médiation recouvre, déjà dans les textes, une réalité trop diffuse. Cette imprécision terminologique aboutit à une méconnaissance sinon totale, du moins confuse de la médiation pour beaucoup d’acteurs économiques. En effet, lorsque la médiation n’est pas simplement méconnue et absente de la palette de mode de résolution d’un différend d’une entreprise, elle est souvent confondue avec d’autres modes amiables (par exemple la conciliation), voire même avec une simple négociation. L’intérêt indiscutable de la médiation pour l’entreprise n’est donc pas identifié ou tout simplement méconnu. Pour contourner cette difficulté, Guillaume Forbin a rappelé le rôle central du directeur juridique et la nécessité d’une démarche pédagogique soutenue au sein de l’entreprise.

Sophie Henry a ensuite insisté sur la nécessité de concevoir des outils statistiques précis et généralisés à la pratique de la médiation, ainsi que sur la difficulté d’identifier les critères pertinents pour choisir le bon médiateur.

En premier lieu, l’outil statistique est le moyen idéal pour promouvoir la médiation car il permet de démontrer son efficacité. Or il est regrettable de constater que, hormis quelques initiatives isolées, il existe très peu de statistiques publiées sur le plan national. Sophie Henry a souligné que les statistiques de médiations judiciaires existent mais se heurtent à deux obstacles : l’absence de centralisation par le ministère et le risque d’utilisation du chiffre à des fins gestionnaires. Il n’est donc pas certain que les statistiques présentent les mêmes vertus dans le monde judiciaire qu’en médiation conventionnelle. Le modèle italien est à cet égard intéressant : les centres de médiation ont l’obligation de publier des statistiques pour être agréés par une fédération nationale.   

En second lieu, la médiation peut être freinée par la difficulté qui existe à choisir le bon médiateur. Les textes posent diverses exigences mais il n’existe aucun diplôme de médiateur. Faut-il un expert technique du domaine d’activité ? Un juriste ? Un médiateur expérimenté ? Un médiateur formé ? De quelle nationalité dans les litiges internationaux ? C’est pour répondre à cette question essentielle que la Commission a dégagé, selon les réponses observées lors des auditions et des expériences de ses membres, les critères utiles pour choisir le médiateur.

Pierre Servan-Schreiber a brièvement rappelé la qualité principale du médiateur : la psychologie. Tout l’apport de la médiation réside dans la faculté du médiateur à rétablir, dans un cadre précontentieux ou contentieux, un système de communication devenu dysfonctionnel entre les parties. En rétablissant ce système, le tiers permet l’émergence de solutions.

Soraya Amrani-Mekki a par la suite abordé la question de la sécurité du processus de médiation. La médiation est hors du droit mais avec la protection du droit, ce qui est souvent méconnu par les acteurs économiques. C’est d’abord la liberté qui a toute sa place : les parties sont libres d’y recourir, de choisir la personnalité du médiateur, le nombre de médiateurs, d’adapter le processus de médiation et ses modalités selon leurs besoins, etc. La liberté est aussi, et surtout, celle de l’accord dont les composantes, juridiques ou extra-juridiques, sont choisies par les parties. Cette liberté est, ensuite, encadrée, sécurisée par le droit. La médiation n’implique notamment aucune perte de temps sur une approche contentieuse du différend. Dans certains cas, elle permet même d’en gagner. Par ailleurs, la confidentialité y est parfaitement garantie pour l’ensemble des acteurs. Enfin, l’accord obtenu dispose d’une garantie d’efficacité par la loi, quelle qu’en soit sa forme (accord, transaction, contreseing par avocat, homologation, etc.). Le rapport propose néanmoins de parfaire cette efficacité en suggérant une modification législative. Il s’oppose, également, à tout préalable de médiation obligatoire, celle-ci étant, par essence, un processus volontaire.

Pierre Charreton a enfin porté un regard sur un sujet nouveau relatif aux enjeux de pouvoirs entre les acteurs qui participent à la conduite d’un contentieux dans l’entreprise. De manière générale, la Commission a observé que la médiation pouvait créer, chez l’ensemble des acteurs, un sentiment fort de dépossession. L’irruption d’un tiers médiateur provoquerait une perte de contrôle sur la gestion du différend.

Partant, les acteurs de ce différend, selon leur statut, vont craindre une perte de pouvoir, ce qui constitue un frein au développement de la médiation. Le dirigeant d’entreprise va parfois estimer que la médiation est inutile si la négociation entre parties n’a pas abouti. Les juristes d’entreprise sont susceptibles de se résigner à proposer une médiation aux directions opérationnelles par crainte d’apparaître incapables d’assurer leur mission juridique. Le conseil extérieur peut également redouter de proposer une médiation au dirigeant d’entreprise car il est perçu comme le professionnel du contentieux. Enfin, le magistrat peut lui aussi se sentir dépossédé et avoir le sentiment de ne pas accomplir sa mission de trancher le différend.

À supposer que la médiation puisse être acceptée par la direction de l’entreprise, il se pose également la problématique de la responsabilité des acteurs quant l’issue. Qui va assumer le poids du résultat dans l’entreprise ? La crainte de se voir reprocher l’issue de la médiation, qu’elle se soit achevée par un désaccord ou par un accord, constitue un autre frein au développement de la médiation.

Pierre Servan-Schreiber a clos cette présentation en insistant sur l’importance de la perception par l’extérieur : dans l’entreprise, il est parfois plus aisé de porter l’affaire devant les tribunaux que de proposer le recours à la médiation. Par sa méconnaissance, la médiation provoque une défiance qui bloque son développement dans le monde de l’entreprise. Pour la combattre, la Commission recommande également une analyse multicritères (durée du contentieux, ressources internes et externes mobilisées, etc.) des coûts provoqués par le contentieux dans l’entreprise. Dans la plupart des cas, l’usage de la médiation aboutirait à des économies substantielles. En cela, à l’inverse de la voie contentieuse bien souvent lente et coûteuse, la médiation est un facteur de création de valeur. En présentant une analyse chiffrée aux directions de l’entreprise, la Commission espère que ces freins pourront être levés et la médiation plus largement utilisée.

Cette présentation du rapport de la Commission médiation s’est poursuivie par un débat entre les différents intervenants et le public.

Pour télécharger le rapport « Médiation et Entreprise. L’opportunité de l’autodétermination :
une liberté créatrice de valeur »


Retrouvez les photos de cet événement en cliquant sur la photo ci-dessous

 

« Entreprise et médiation : la fin d’un malentendu ? »  Retrouvez ici les réponses des intervenants 

La Médiation est-elle une panacée ?

Pierre Servan-Schreiber est Ancien membre du Conseil de l’Ordre des avocats de Paris, il est diplômé de la Columbia Law School de New York. Il dirige la commission Médiation du Club des Juristes et enseigne la médiation à Sciences Po. Son activité de médiateur porte essentiellement sur les conflits et blocages au sein de groupes familiaux et entre entreprises. Il est par ailleurs le co-auteur et co-directeur avec Antoine Garapon de Deals de justice – Le marché américain de l’obéissance mondialisée (PUF, 2013).

 

Quels sont les critères pour choisir un bon médiateur ?

Sophie Henry a exercé la profession d’avocat au barreau de Paris pendant dix ans et a ensuite rejoint la Direction des Études de la CCI de Paris. Au CMAP, depuis 2000, elle a été, tour à tour, responsable des programmes européens, consultante et formatrice en médiation et arbitrage, et Secrétaire générale. En 2016, elle devient Médiateur de la ville de Nice. Elle a ainsi acquis une grande expertise des MARC (Modes Alternatifs des Règlements des conflits) dans le cadre de ses fonctions, en France et à l’international. Sophie Henry a contribué à la création de nombreux Centres de médiation et d’arbitrage et coordonne des programmes de formation continue à la médiation et à l’arbitrage en France et à l’étranger. Elle enseigne et assure aujourd’hui la coordination pédagogique des formations aux MARC à l’ESCP Europe, Sciences-Po Paris, l’EDHEC, HEC, l’Université de Versailles Saint Quentin, la Faculté de droit de Pau, et l’Ecole Internationale des Modes Alternatifs ( EIMA) du Barreau de Paris.

 

Comment expliquez-vous la réticence d’un grand nombre de vos collègues à recourir à la Médiation pour régler les conflits de leur entreprise avec leur environnement d’affaires ?

Ayant fait le choix d’être juriste d’entreprise, après quatre années passées au sein du Cabinet Fidal. Pierre Charreton sa carrière au sein de groupes industriels internationaux, leaders mondiaux dans leur domaine. Il est devenu successivement Directeur Juridique des groupes Framatome, Thales, France-Télécom/Orange et Areva, dont il fut également Secrétaire Général, secrétaire du Conseil d’administration et membre du Comité Exécutif. Amené à négocier dans le monde entier, il a, au cours des quarante années qui jalonnèrent son parcours professionnel, vécu les métamorphoses du monde des affaires et du droit international des affaires. En qualité de responsable de la gestion des contentieux, c’est au sein du groupe Thales, au début des années 2000, qu’il a développé la médiation comme mode de règlement des différends dont il est depuis l’un des protagonistes. Conférencier, auteur de nombreux articles notamment sur les organisations juridiques d’entreprise, la digitalisation, l’arbitrage international ou la médiation, il a été également Président de l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) et a présidé la mission de réflexion sur le Diplôme de Juriste Conseil d’Entreprise (DJCE).

 

Pensez-vous que le recours à la Médiation est sécurisé pour les entreprises ?

Soraya Amrani-Mekki est directrice scientifique et co-auteur du Guide des modes amiables à paraître aux éditions LexisNexis ainsi que de nombreux articles en la matière. Membre du conseil d’administration de l’Association internationale de droit processuel, du conseil scientifique de l’Association Droit et procédure, expert auprès du conseil national des barreaux, elle dispense de nombreuses formations professionnelles sur les modes amiables de résolution des différends. Elle est également ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature et ancienne Vice-Présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

 

Comment la liberté et l’adaptabilité de la Médiation favorisent-elles la perspective d’un accord ?

Guillaume Forbin intervient en conseil et en contentieux. Il accompagne, juridiquement et judiciairement, une clientèle d’industriels et d’établissements bancaires et financiers notamment dans les aspects contractuels, économiques, environnementaux, pénaux et contentieux de leurs activités. Il assiste des groupes industriels français et internationaux, notamment dans le secteur chimique, papetier, agroalimentaire, du transport et de la restauration ainsi que des institutions financières et des investisseurs notamment dans le domaine immobilier et culturel.

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