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Brexit et directive (UE) 2019/1023, par Saam Golshani et Alexis Hojabr avec la participation d’Antoine Rueda et Amélie Jungbluth

Comment Paris pourrait être le nouveau barycentre des restructurations en Europe

La question d’un glissement du marché des restructurations pan-européennes de la place financière londonienne vers le continent n’est pas nouvelle : les effets anticipés du Brexit et de la transposition de la directive (UE) 2019/1023 suscitent depuis quelques temps les espoirs des capitales financières européennes.

Elle se pose d’autant plus que les enjeux économiques liés à ce marché générateur d’emplois et créateur de valeur sont importants. Sa robustesse et sophistication contribuent à l’attractivité d’une place financière.

Plus d’un an après la fin de la période de transition prévue pour le retrait du Royaume-Uni de l’UE et quelques mois après la transposition de la directive (UE) 2019/1023 par la France, notre système juridique a des arguments à faire valoir face à la City et son système réputé pro-créanciers.

Recalibrage du droit français – La place parisienne bénéficie surtout de l’harmonisation imposée par la directive (UE) 2019/1023 dont l’objectif assumé était de lutter contre le forum-shopping. Notre système était déjà en grande partie mature etfaisait figure de bon élève en matière de prévention amiable, au point qu’il a largement inspiré les rédacteurs de la directive (UE) 2019/1023. En revanche, les règles d’élaboration et d’adoption des plans de restructuration et, en creux, la faculté pour les tribunaux d’imposer des délais uniformes de paiement ainsi que la « sanctuarisation » des actionnaires, pouvaient faire reculer des investisseurs financiers internationaux. C’est précisément sur ce point que les changements sont les plus significatifs avec l’introduction du concept de classes de parties affectées (comprenant les détenteurs d’equity) et du mécanisme d’application forcée interclasse (inspiré du Chapter 11 et que le droit anglais connaît depuis 2020 via le Restructuring Plan). Le redouté « term-out » voit désormais sa place réduite. Notons aussi l’introduction d’un privilège de post-money.

Reconnaissance dans l’UE – Le Brexit a limité la reconnaissance des procédures de restructuration britanniques dans l’Union Européenne. Londres conserve néanmoins un avantage concernant la restructuration de financements soumis au droit anglais opérée via des Schemes of Arrangement ou Restructuring Plan dont la reconnaissance est facilitée dans l’UE grâce au règlement Rome I. De leur côté, les procédures collectives françaises bénéficient toujours, au travers du règlement (UE) 2015/848, d’une reconnaissance automatique dans l’UE (sauf au Danemark), à condition d’en respecter les règles de compétence internationale (COMI). Notons toutefois la singularité française liée au couple conciliation/sauvegarde accélérée – désormais cadre de restructuration de référence – dont seule la dernière procédure relève du règlement (UE) 2015/848. La procédure de conciliation est ainsi plus aisément accessible aux débiteurs étrangers. Dans cette hypothèse, cette même procédure pourrait servir d’argument à la démonstration d’un COMI shift permettant l’ouverture en France d’une sauvegarde accélérée subséquente dont les effets seront automatiquement reconnus dans l’UE.

Une nouvelle rivalité – Au-delà de la convergence des systèmes juridiques, des différences subsistent. Malgré un réel rééquilibrage vers une meilleure prise en compte de l’intérêt des créanciers, la France continue, à l’inverse de l’Angleterre et d’autres juridictions de l’UE, de laisser au débiteur une maitrise importante sur le plan de restructuration (sauf en redressement). Il a également été choisi de recourir, par principe, à la règle de priorité absolue ainsi qu’à une majorité à 2/3 en classe. Ces différences affecteront variablement les rapports de force, selon les enjeux de chaque situation. Par ailleurs, les financements pan-européens demeurent largement soumis au droit anglais (sauf marché obligataire high-yield). Il n’est donc pas surprenant de voir les juridictions anglaises réagir en réaffirmant l’ancienne « Rule in Gibbs », règle d’ordre public qui donne le moyen au juge anglais de faire échec aux restructurations de dette régies par le droit anglais à l’étranger. La frontière est marquée. La restructuration de Comexposium – bien qu’initiée antérieurement à la réforme – a donné lieu à des développements contentieux de part et d’autre de la Manche qui illustrent bien les conflits qui peuvent exister entre les deux systèmes. Il ne faut également pas négliger la prévisibilité du droit anglais qui reste un avantage de taille pour les investisseurs. Gageons que l’application qui sera faite par les praticiens et tribunaux français du nouveau régime sera scrutée de près, car elle changerait la donne pour autant qu’elle soit pragmatique et lisible.

Bien qu’atténuée, la rivalité avec la place londonienne n’a donc pas disparu. En réalité, elle s’est en grande partie redéfinie, laissant même entrevoir une forme de complémentarité de ces juridictions dans les prochaines restructurations européennes.

Par Saam Golshani et Alexis Hojabr, avocats associés au cabinet White & Case LLP, partenaire du Club des juristes, ainsi qu’Antoine Rueda et Amélie Jungbluth, collaborateurs.

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