La base de données économiques et sociales
Instaurée par la loi du 14 juin 2013, la base de données économiques et sociales (ci-après BDES) met à la disposition permanente des institutions représentatives du personnel et organisations syndicales un certain nombre d’informations d’ordre économique et social concernant leur entreprise. Outre des données économiques et financières telles que le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée, les transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe, des données sociales (rémunération des dirigeants, analyse de la situation homme-femme etc.) doivent y figurer. Ces données portent non seulement sur les deux années précédentes, l’année en cours mais elles doivent également intégrer des données chiffrées portant sur les perspectives au cours des trois prochaines années.
Cette BDES vaut également transmission d’information au comité d’entreprise dans le cadre des consultations annuelles récurrentes que doit mener l’employeur auprès de son comité dont celle sur les orientations stratégiques…. La mise à disposition de ces informations permet de faire courir le délai préfix de consultation du comité d’entreprise (ou du comité social et économique si mis en place) et donc de se prévaloir à l’expiration du délai de l’avis du comité d’entreprise, peu important que ce dernier refuse de s’exprimer.
La BDES est effective depuis le 14 juin 2014. Le constat s’impose cependant que les BDES mises en place sont pour certaines loin de toutes répondre aux exigences de contenu posées par le législateur.
Or, de nouveaux contentieux émergent devant les juridictions de premier et deuxième degré qui méritent une attention toute particulière. Lors de la présentation d’un projet d’importance tel qu’un projet de restructuration, des actions sont engagées par les comités d’entreprise aux fins de suspendre la consultation ou la mise en œuvre dudit projet au motif que la consultation sur les orientations stratégiques n’a pas été finalisée. La justification de la non-finalisation de la consultation sur les orientations stratégiques est fondée sur l’absence de BDES ou une BDES parcellaire, n’ayant pas permis de faire courir le délai de consultation, à défaut pour l’entreprise d’avoir communiqué les informations requises par ailleurs. Le délai n’ayant pas couru, l’entreprise ne peut se prévaloir de son avis au terme du délai. A défaut de consultation finalisée, le comité d’entreprise retrouve alors toute latitude pour agir en justice.
Même si sur le fond, cette prise en otage de la procédure de consultation sur le projet de restructuration sous couvert d’un défaut de consultation sur les orientations stratégiques est plus que contestable, ledit projet peut se trouver bloqué, le temps que les voies de recours portent leurs fruits et tout cela en raison d’une BDES incomplète.
Au-delà de se dire qu’il faut la mettre à jour alors qu’elle devrait l’être depuis 4 ans, une opportunité doit être saisie dans le cadre des discussions à mener sur la mise en place du comité social et économique. Les ordonnances de septembre 2017 ont en effet modifié les dispositions relatives à la BDES. Alors que par le passé, il pouvait seulement être envisagé d’enrichir la BDES par accord collectif, dorénavant toujours par la voie de l’accord collectif son contenu peut être adapté. Si certains thèmes doivent toujours y figurer, il est notamment possible de définir la nature et le contenu de certaines informations qui s’y rattachent afin de mieux prendre en compte les indicateurs pertinents de la société. De même, il est également aujourd’hui possible de modifier la périodicité de la consultation au titre des orientations stratégiques et de la porter à 3 ans. Le contenu des informations à communiquer au titre des orientations stratégiques peut aussi être figé. Dès lors, au-delà de devoir négocier sur la composition et le fonctionnement du comité social et économique, élargissons la négociation à ses prérogatives permettant de construire un accord donnant-donnant !
Par Virginie Devos, associée du cabinet August Debouzy, partenaire du Club des juristes