Avocats et juristes ne font pas le même métier mais ces deux professions sont éminemment complémentaires.
Un certain nombre d’avocats ont quitté la robe pour devenir juristes d’entreprise et inversement, voire ont fait un ou plusieurs allers-retours entre les deux professions. Il en existe même − des avocats plaidants notamment − qui ont rejoint des sociétés ou des autorités administratives indépendantes pour s’y épanouir et y réussir !
L’avocat − un juriste bien évidemment − se distingue du juriste qui travaille au sein d’une entreprise ou d’une organisation publique. Longtemps, les deux professions se sont toisées. Et, au sortir de la faculté de droit ou au cours des premières années de sa vie professionnelle, il fallait opter, de façon définitive, pour l’une ou l’autre. Quitter la robe d’avocat était souvent perçu comme un échec : c’était pointer une incapacité à devenir associé d’un cabinet ou bien rechercher un mode de vie plus paisible et moins risqué (honteux, pour les confrères). L’endosser était, en revanche, plutôt interprété par les juristes d’entreprise comme la consécration d’une carrière. Il existait alors certainement un complexe de supériorité des avocats et d’infériorité des juristes.
Des professions complémentaires
Face à la complexification des risques qu’encourt l’entreprise, on assiste aujourd’hui à un rééquilibrage et à une plus grande fluidité entre ces deux professions éminemment complémentaires .
Il revient à chaque juriste « consommateur » de services externes de trouver avec son avocat la bonne alchimie pour, chacun à sa place, instaurer une relation de pleine confiance et apporter la solution à l’entreprise. Trouver une harmonie de travail procure une réelle satisfaction et crée généralement des relations fidèles et efficaces (y compris en ce qui concerne les honoraires !).
Cela prend du temps, à l’ex-avocat devenu juriste d’entreprise (et qui, le plus souvent, a été chassé par un cabinet de recrutement), de comprendre qu’il n’exerce plus le même métier et qu’il ne doit pas se comparer mais travailler de concert et dans les meilleures conditions possible avec son avocat. Quant à ce dernier, il lui revient de saisir la complexité de la situation du juriste d’entreprise qui jongle avec de nombreux intervenants pour, in fine, prendre une décision engageante pour son organisation . Point crucial : l’avocat, qui doit « se nourrir », doit accepter d’être potentiellement en risque financièrement et consacrer une partie de son temps à la recherche de clients et à l’entretien de la relation avec ceux-ci .
Qualités similaires, personnalités différentes
Ces duettistes vivent les dossiers avec la même intensité, chacun jouant de son instrument. Avocats et juristes disposent de qualités similaires de raisonnement, d’anticipation et surtout de gestion du stress. Mais leurs personnalités diffèrent. Les avocats, qui aspirent à être leur propre patron, sont par nature souvent réfractaires à l’autorité hiérarchique. A l’inverse, certains juristes d’entreprise, à l’aise dans une structure qui ne dépend pas d’eux, n’imaginent pas se lancer dans l’aventure entrepreneuriale d’un cabinet. L’avènement des « firmes » d’avocats a toutefois contribué à rapprocher les modes de fonctionnement des entreprises et des cabinets d’avocats de grande taille. Cela rend le port ou la remise de la robe plus aisé à divers moments d’une carrière.
Par Nicolas Huet, Secrétaire général d’Eurazeo, partenaire du Club des juristes