Si le Brexit connaît un premier épilogue ce 31 janvier, les incertitudes juridiques sont encore loin d’être dissipées. Le spectre du no deal revient sur le devant de la scène, même s’il convient de rester prudent sur les probabilités qu’un tel ce scénario se réalise.
Du 1er février au 31 décembre 2020, le Royaume-Uni, tout en étant un Etat tiers pour l’Union européenne, continuera de se voir appliquer toutes les règles opposables à un Etat membre. La transition poursuit une double finalité : que les deux parties adaptent leur système juridique à cette évolution majeure et que les termes de leur future relation soient précisés.
Au plan pratique, ce second volet implique la conclusion d’un accord commercial , mais aussi de convenir de normes communes dans des secteurs fort divers : la pêche, l’énergie, les transports, les services financiers, ou la sécurité. La mise en oeuvre de l’arrangement qui s’est substitué au backstop entre les deux Irlande soulèvera nécessairement des difficultés pratiques. Le sort des citoyens européens résidant au Royaume-Uni ou des ressortissants britanniques installés dans l’un des 27 Etats membres après le 31 décembre 2020 devra également être précisé.
Sauvegarder les intérêts des 27
Boris Johnson veut aller vite. Il exclut toute extension de la transition, ce que la loi de transposition de l’accord de sortie adoptée par le Parlement britannique, le 22 janvier, a confirmé. Pour le Premier ministre, il s’agit de tirer un trait définitif sur le Brexit afin d’avoir les coudées franches pour réformer son pays. Du côté de l’Union européenne, cet empressement ne semble pas compatible avec la nécessité d’encadrer rigoureusement la future relation avec le Royaume-Uni. La task force veillera à ce que les intérêts des 27 soient sauvegardés. Elle cherchera à préserver au maximum le statut des citoyens européens après la transition et tentera d’empêcher que le Royaume-Uni puisse concurrencer de façon déloyale l’Union européenne par une politique sociale et fiscale agressive. En outre, l’accord ne devra pas conduire à un nivellement par le bas en matière environnementale, sociale et sanitaire. Or les intentions du gouvernement britannique sur ces sujets ne sont pas claires.
Toutefois, des contraintes juridiques majeures risquent de perturber les plans de l’actuel locataire du 10 Downing Street. Le traité de libre-échange entre l’UE et le Royaume-Uni à venir emportera non seulement des conséquences sur l’exercice des compétences propres de l’UE, mais aussi sur celles des Etats membres qui devront y consentir chacun pour leur part selon leurs arrangements constitutionnels. La procédure à double détente applicable à ce type d’accord mixte (au niveau de l’UE, puis des 27) pourra difficilement être finalisée dans le laps de temps imparti. Parvenir en quelques mois à un accord qui couvrirait l’ensemble des secteurs économiques sans un alignement substantiel du droit britannique sur les standards européens n’a pas été jugé crédible par Ursula von der Leyen.
Le risque du no deal toujours présent
Pour sa part, Michel Barnier a rappelé qu’environ 600 textes internationaux devront être renégociés pour parachever le Brexit. Si les négociations s’enlisent et que, le 1er juillet, aucun report n’a été acté par la commission paritaire instituée par l’accord de sortie, le no deal sera difficilement surmontable. Il ne s’agit pour l’instant que d’une éventualité qui n’a évidemment pas les faveurs des deux parties. Boris Johnson en joue pour mettre la pression sur l’Union européenne, mais il n’a aucun intérêt à ce que le no deal survienne. Il convient, enfin, de ne pas oublier que les négociateurs peuvent s’appuyer sur près d’un demi-siècle d’adhésion et sur un traité de sortie relativement précis. Ce sont des bases solides pour parvenir à un conclusion d’un accord commercial qui pourra lui-même prévoir des mesures transitionnelles pour qu’il puisse être progressivement décliné aux différents secteurs économiques qu’il couvrira.
Cette chronique vous est proposée par Le Club des juristes & Les Echos , rédigé par Aurélien Antoine, professeur de droit à l’université Jean Monnet, directeur de l’Observatoire du Brexit.