La récente condamnation en première instance de la banque suisse UBS (qui a interjeté appel) conduit à s’interroger sur les nouveaux défis auxquels sont désormais confrontés les contribuables et dirigeants. Amende exceptionnelle de 3.7 milliards d’euros assortie de 800 millions d’euros de dommages-intérêts pour la banque, peines d’emprisonnement avec sursis, amendes et solidarité au paiement des dommages-intérêts pour des anciens cadres dirigeants : le tribunal de Paris s’est montré intransigeant. L’objectif clair est de marquer les esprits et faire entendre aux contribuables que la lutte contre la fraude fiscale prend une nouvelle dimension répressive.
Le durcissement de l’arsenal répressif français s’est notamment traduit par l’adoption de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. Cette loi a considérablement durci les sanctions en matière de fraude fiscale, avec notamment des peines d’emprisonnement et des amendes très élevées, des confiscations, des interdictions de candidater aux marchés publics, ainsi que la publicité des condamnations, sujet particulièrement sensible pour les entreprises.
Autre mesure phare, la transmission des dossiers fiscaux aux parquets n’est plus nécessairement conditionnée à l’avis conforme de la Commission des infractions fiscales (mécanisme dit du « verrou de Bercy »). Dorénavant, les dossiers ayant conduit à un redressement de plus de 100.000 euros et à l’application de certaines majorations seront automatiquement transmis. Il suffira pour cela que le redressement soit assorti d’une majoration de 100% ou 80% en cas d’activité occulte, abus de droit ou manoeuvres frauduleuses, ou d’une simple majoration de 40% en cas de manquement délibéré lorsqu’au cours des six années précédentes le contribuable a déjà fait l’objet d’une pénalité de 100%, 80% ou 40%. Les poursuites pourront viser les dirigeants de droit ou de fait, les cadres non dirigeants titulaires d’une délégation de pouvoirs ainsi que toutes les personnes ayant participé à l’infraction.
Un nouvel environnement hostile et incertain
Ces mesures à portée répressive, combinées au nouvel arsenal de lutte contre les montages fiscaux abusifs (projet BEPS, directive ATAD, clause anti-abus généralisée, nouvel abus de droit « à deux étages », etc.), font plonger les contribuables et les dirigeants dans une zone d’incertitude sans précédent.
L’afflux attendu de nouveaux dossiers fiscaux devant les parquets soulève de nombreuses questions. Auront-ils les moyens matériels et les compétences techniques parfois pointues en matière fiscale pour se prononcer ? Comment les procédures fiscale et pénale se combineront-elles, la justice pénale réclamant une totale indépendance de la justice administrative ?
Ce nouvel environnement hostile et incertain conduit à redéfinir le rôle du conseil fiscal et la manière d’appréhender les contrôles. Le risque de basculement dans la sphère pénale demande des réponses et des stratégies, tant en amont – gestion accrue des risques, régularisations spontanées, etc. – qu’en aval – comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour les personnes physiques, convention judiciaire d’intérêt public pour les personnes morales, etc-.
Par Xénia Legendre et Ludovic Geneston, associés du cabinet Hogan Lovells, partenaires du Club des juristes.