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Les bons conseils de l’intelligence artificielle

La période récente a vu arriver l’intelligence artificielle sur le marché du conseil avec des gains de productivité et un recentrage sur les activités à forte valeur ajoutée. Qu’il s’agisse des legaltech ou des robots-conseillers, les nouveaux modèles d’affaires proposent d’automatiser de nombreuses tâches dans des conditions tarifaires avantageuses.

Ces modèles reposent sur une co-production homme-machine dans la mesure où il est nécessaire de superviser et d’alimenter l’IA en données. Celles-ci doivent être accessibles en grande quantité et doivent être également de bonne qualité puisque des données partielles ou erronées engendrent potentiellement un résultat biaisé en l’absence de discernement humain.

Toutefois, le sujet le plus complexe n’est pas l’interface homme-machine mais plutôt la communication homme-machine-homme. Pour s’attaquer à ce problème, les chercheurs ont développé des métaheuristiques à partir d’algorithmes spécifiques. Les améliorations sont permanentes mais il faudra encore longtemps avant de disposer de systèmes vraiment intelligents. La réalité est qu’on ne progresse pas très vite au fond sur la base des connaissances sur lesquelles on travaille en IA. Ce qui progresse vraiment c’est la puissance brute de calcul plutôt que l’algorithmique en tant que telle.

Deux petites expériences permettent de mesurer la qualité d’un système dit « intelligent ». La première consiste à écrire « les poules du couvent couvent » dans un traitement de texte. Le correcteur orthographique détecte une erreur qui n’en est en réalité pas une. Si on insère ensuite cette phrase dans un robot traducteur comme Google traduction, on obtient : « the hen of the covent covent » alors qu’il aurait du traduire le deuxième « covent » par « lay ». Si on demande à ce même système de lire la phrase, on constate que la voix synthétique énonce correctement le texte. Autrement dit, la synthèse de la parole est simple mais la reconnaissance de la parole est plus complexe. Les spécialistes prédisaient qu’on arriverait facilement à programmer des machines donnant aux gens l’impression d’être face à des locuteurs humains intelligents même si la machine ne comprend rien au fond à ce qu’elle raconte. C’est le principe même des chatbots d’aujourd’hui…

La seconde expérience consiste à écrire toujours dans le même traducteur français-anglais : « L’esprit est fort mais la chair est faible ». Le résultat donne : « The spirit is strong but the flesh is weak ». Un anglais comprendra que l’alcool est fort mais la viande est molle… Les mots sont bien traduits mais le sens de la phrase est perdu. Plus la sémantique de la langue utilisée est riche, analogique, suggestive, pondérée, affective, innovante et moins le système technique est apte à la comprendre et donc à se substituer à l’humain.

On déduit de ces exemples que plus le conseil répond à des problèmes mal posés, nouveaux ou complexes, moins il est substituable par une machine. Ainsi, le bas de gamme du conseil, à savoir le conseil basé sur une langue répétitive et pauvre en sens émotif et affectif (car technique) va être affecté par l’IA dans les prochaines années. En revanche, les autres métiers du conseil ne peuvent pas être remplacés par des machines qui s’appuient sur la force brute de calcul. Pour preuve, Facebook recrute aujourd’hui des milliers de modérateurs pour analyser les informations signalées comme problématiques. L’entreprise ne peut s’en remettre à son IA pour assurer cette fonction de modération devenue un élément clef dans l’exercice de son métier… Des sociétés spécialisées se créent et recrutent massivement pour vendre du conseil en éthique numérique et des compétences de modérateurs. Voilà un nouveau métier du conseil : les modérateurs de demain seront sans doute les téléopérateurs de premier niveau qui auront été licenciés des plateformes pour être remplacés par des chatbots.

Bruno Deffains

Professeur de Droit et d'Économie à l'Université Paris II Panthéon-Assas, Président du Pôle numérique du Club des juristes
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